Avez-vous déjà remarqué que, quand on mange de la bonne cuisine chinoise piquante, préparée avec du piment de Séchouan, on a envie d'en remanger rapidement?

Je suis convaincue qu'il y a quelque chose qui rend accro dans cette épice qui marie au poivre un très léger anesthésiant et de douces notes d'agrumes...

Après avoir adoré mon repas au restaurant Mei, dont je vous ai parlé au début du mois, je n'avais donc qu'une envie, remanger de ce poivre. Je me suis ainsi dirigée vers un autre restaurant hautement recommandé par les amateurs de Séchouan: Chez Chili, rue de la Gauchetière, en plein coeur du quartier chinois traditionnel.

J'y suis allée avec une amie qui, comme moi, n'avait pas d'attente précise. «Mon meilleur repas chinois de la dernière année», a conclu cette voyageuse, amatrice de bonne cuisine de surcroît, après avoir copieusement savouré nos plats. Et je suis d'accord avec elle, nous avons mangé Chez Chili un excellent repas.

Le lieu a ouvert il y a deux ans et n'éblouit ni par son décor magique ni par son atmosphère urbaine moderne. L'accueil, toutefois, est fort sympathique. On y parle bien français. Et on y accueille les nouveaux convives avec générosité et un désir presque trop grand de rendre l'expérience accessible à tous. Si vous voulez manger comme les Chinois, dites-le. Sinon, on essaiera un peu d'occidentaliser l'expérience.

En cuisine, les chefs préparent des cuisines de trois régions. De la cuisine séchouanaise, la plus prestigieuse des cuisines chinoises, celle qui, lorsqu'on sait la faire, va chercher les meilleurs salaires pour les cuisiniers, nous a expliqué le serveur. Des plats du Hunan sont aussi au menu, tout comme des assiettes d'une région du nord appelée Dongbei.

Les portions Chez Chili sont généreuses, donc c'est le genre de restaurant où il vaut mieux aller en groupe pour pouvoir partager toutes sortes de choses. À deux, nous avons commandé trop de nourriture, soit quatre plats. Pour 57$, on aurait pu facilement nourrir six personnes. J'ai rapporté les restes à la maison, où les ados se sont chargés de terminer le tout.

Mon mets préféré? Peut-être l'assiette d'aubergines chinoises - longues et minces - et de poivrons façon Dongbei, cuits suffisamment pour être fondants. Les légumes sont enrobés d'une sauce soyeuse, salée, légèrement rehaussée par un peu de porc haché. La combinaison est riche. Réconfortante.

L'assiette de poulet épicé, de son côté, est composée de petits morceaux de poulet frit croquants, que nous avons pris soin de demander «avec l'os». Servie avec de l'ail séché, de la ciboulette et un mélange d'épices piquant fait maison - «ce sont les chefs qui le préparent et c'est seulement eux qui savent ce qu'il y a dedans», précise le serveur - la volaille est sympathique, relevée, croustillante et surprenante, bien en contraste avec les légumes. On est dans un univers qu'on connaît peu, où il faut travailler un peu pour trouver la chair, mais où les saveurs et les textures ne sont jamais ennuyantes et nous font découvrir un côté caché de cet aliment omniprésent dans nos assiettes nord-américaines.

Le plat d'agneau à la séchouanaise, lui, propose la viande en tendres lanières, servie avec de l'oignon dans une sauce relevée au cumin. Là encore, on est loin des terrains connus de l'omniprésente cuisine cantonaise, même si le plat n'est pas non plus excentrique. C'est savoureux, chaleureux, bien équilibré.

Les haricots verts sautés, quant à eux, étaient bien riches, façon Hunan. À mille lieues des légumes vapeur qu'on dirait sortis tout droit du sac de surgelé. Ici les légumes verts sont encore un peu fermes sous la dent, bien que généreusement revenus dans l'huile, et on les rehausse avec un peu de porc haché, du chou mariné, des fèves noires très salées - les Chinois ne les mangent pas, elles sont là juste en condiment, a expliqué le serveur.

On aurait aimé goûter à plus, mais on en avait déjà beaucoup trop. Seul bémol du repas: du thé au jasmin banal, pour ne pas dire insipide. Avec une telle symphonie de saveurs dans l'assiette, on aurait aimé mieux. La prochaine fois, on prendra une bière.

Chez Chili

1050B, rue Clark (mais l'entrée est rue de la Gauchetière, sous le piment rouge), Montréal

514-904-1766

> Prix: Par exemple, plat de poivrons à 9,99$, plat d'agneau à 13,99$. Riz, 1,50$. Un repas de 60$ peut aisément nourrir de quatre à six personnes, selon les appétits.

> Carte des vins: On prend une bière ou du thé.

> Atmosphère: Restaurant chinois sans réel décor, plutôt basique, où l'on va en groupe pour manger de la bonne cuisine, sans s'attendre à y voir du beau monde ou à découvrir un style d'ambiance particulier.

> Service: En français, gentil et efficace, avec des réponses à nos questions.

(+) Une cuisine délicieuse, différente.

(-) La déco banale, sans intérêt, et le thé décevant.

On y retourne? Oui.