Cet été encore, notre critique gastronomique parcourt les routes du Québec. Cette semaine, elle s'est arrêtée à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson.

Je l'avoue et je n'en suis pas particulièrement fière: je n'étais jamais allée au Bistro à Champlain. Un lieu légendaire pourtant. Une cave à vins culte. Un temple pour ceux qui aiment les grands crus. Un endroit qui raconte un peu de l'histoire du Québec, celle d'une certaine bourgeoisie éduquée, amatrice de bonnes bouteilles et d'art contemporain, qui a contribué à donner son élan à la Révolution tranquille.

Entre les Riopelle et les Marc Séguin, les bouteilles vides de Pétrus ou de Grands Échezeaux, la salle à manger vibre encore de toutes les grandes conversations qui y ont eu lieu.

Campé dans un ancien magasin général acheté au début des années 70 par M. Charest avec son ami l'artiste Jean-Paul Riopelle, Le Bistro à Champlain est le bébé de ce radiologiste qui a fait fortune en affaires, mais qui s'est fait surtout connaître par sa spectaculaire cave à vins remplie de crus de collectionneur.

Même aujourd'hui, alors qu'une vaste partie de son patrimoine a été vendu à la SAQ au printemps 2012, on visite les caves comme on visite un musée du vin. Gevrey-Chambertin, Meursault, Romanée de tous genres, Pétrus, Corton-Charlemagne, Château d'Yquem... Dans toutes sortes de formats inhabituels aussi, jéroboams, magnums, doubles magnums...

Et on fréquente aussi ce restaurant comme on fréquente une galerie. On y trouve quelques Riopelle, qui côtoient aujourd'hui des toiles variées, incluant plusieurs grands formats de Marc Séguin.

On ne va toutefois pas au Bistro à Champlain en quête d'avant-garde contemporaine culinaire. Ici, la cuisine, c'est le canevas fiable, les solutions éprouvées. C'est simple, direct, dans un esprit français classique. M. Charest, 82 ans, aime la cuisine élégante mais traditionnelle. Foie gras, crème, viande, homard... Et du chocolat au dessert.

Je n'y ai donc certainement pas été renversée par le contenu de mon assiette! Mais j'y ai mangé une des meilleures côtes de veau de ma vie. Exceptionnellement tendre, cuite exactement comme on le veut, encore rosée. Une portion généreuse abondamment garnie de sauce à la crème et aux morilles.

Cette assiette, on aurait facilement pu la retrouver au menu des restaurants français classiques de Montréal dans les années 80. Le genre qui ne surprend pas, mais ravit. On avait oublié comme c'était bon.

Tout le menu est monté dans cet esprit. Des pattes de crabes toutes simples servies avec une légère mousse à l'avocat, des morceaux d'agrumes et des tranches de radis, une combinaison qui ne réinvente rien, mais demeure pleine de vivacité. Surtout que les ingrédients sont bien préparés, bien présentés. La terrine de foie gras, elle, sert de prétexte à un verre de Château d'Yquem. La salade verte se compose aussi bien de tranches de concombres classiques que de pousses de mâche, trévise, tomates cerises, radis. On croque dans l'été. Le tout avec une vinaigrette française traditionnelle, vinaigrée, «moutardée», jamais sucrée.

Mais c'est vraiment pour le vin qu'on va au Bistro à Champlain. De grands bordeaux, de grands bourgognes... Quelques Américains aussi. Des vins de la Loire, du Rhône. Le paradis si vous êtes amateur.

Évidemment, les prix n'ont pratiquement pas de limite, mais on peut se faire des cadeaux à prix relativement abordables. Pensez 75$ environ. Ou alors on choisit de grands vins au verre. Ce qui reste le plus intéressant, c'est qu'il y a ici de très très bons vins, des Meursault ou des premiers crus de Beaune, par exemple - de grands bourgognes blancs - à 90 ou 100$.

Au dessert, on continue dans les classiques. Crème brulée classique. Fondant au chocolat classique, avec glace à la pistache. Tiramisu avec une cerise de terre en décoration. Rien d'extravagant. Pas de faux pas non plus. Juste un peu lourd. C'est qu'on aurait aimé, c'est un dessert simple, frais, parfait pour clore cette soirée franchement sympathique.

Bistro à Champlain

75, chemin Masson

Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson

450-228-4988

bistroachamplain.com

Prix: Il faut compter une vingtaine de dollars pour les entrées, une bonne trentaine de dollars pour les plats et une douzaine de dollars pour les desserts. Il y a aussi une table d'hôte et un menu dégustation.

Carte de vins: Spectaculaire encore et toujours. Les prix peuvent être follement élevés. Mais on peut aussi trouver de très grandes bouteilles dans les 100$-125$. On peut aussi prendre de grands vins au verre.

Service: Impeccable et très professionnel tout en étant cordial, accueillant. Les serveurs connaissent tous très bien la carte de vins et savent conseiller les clients.

Style: Un bistro rempli d'histoire, installé depuis 1987 dans un ancien magasin général. On y va pour boire de grands vins. C'est rempli d'oeuvres d'art, dont plusieurs Riopelle et des Marc Séguin. Il faut compter une heure de route de Montréal.

(+) Une cave à vins comme on en voit rarement.

(-) La cuisine pourrait être un brin plus moderne, sans trahir la volonté de la maison de rester fidèle à une cuisine de bistro français particulièrement bien faite, classique.

On y retourne? Oui!

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE