Alambics en cuivre, cuves de macération, bocaux de pharmacie et flacons ouvragés: le parfum livre ses secrets de fabrication dans un nouveau musée qui ouvre samedi au public, installé par la maison Fragonard à deux pas de l'Opéra Garnier à Paris.

Situé au sous-sol d'un ancien théâtre du XIXe siècle, l'Eden, transformé ensuite en vélodrome, puis en magasin de meubles, le musée retrace 3000 ans d'histoire du parfum, de l'Égypte ancienne jusqu'aux années 50.

Quelque 300 objets - flacons, pots à khôl, à mouches, brûle-parfums, boîtes à senteurs - provenant de la collection de la famille Costa à la tête de la marque de parfumerie, sont exposés dans cet espace de 1200 m2 qui a nécessité un an de chantier.

«C'est un endroit insolite, fou, tellement étonnant dans lequel on peut faire rêver, or le parfum c'est le principe même du rêve», commente Agnès Webster, présidente de Fragonard et arrière-petite-fille d'Eugène Fuchs, qui a fondé la maison en 1926 à Grasse. Le nom est un hommage au peintre Jean-Honoré Fragonard, originaire de cette ville provençale, capitale du parfum.

Ce musée du parfum est le quatrième ouvert par la maison, mais il est le plus grand, et celui dont la scénographie est la plus aboutie. Deux autres se trouvent également dans le quartier de l'Opéra à Paris, un troisième se situe à Grasse.

«Le fait que ce soit un sous-sol sans lumière naturelle aide à créer une atmosphère plus intime propre à l'univers du parfum», souligne l'architecte chargé du projet, François Muracciole, qui a recréé une ambiance de laboratoire du XIXe siècle avec ses alambics en cuivre et ses poutres métalliques Eiffel, plongés dans la pénombre.

Liquide, solide ou vaporeux 

Au milieu de la pièce principale trône un énorme mélangeur pour les matières premières. Des films montrent les étapes de fabrication du parfum - cueillette des fleurs, distillation, macération, conditionnement - alternant images d'archives et actuelles.

Dans des vitrines, sont exposés des objets de l'exceptionnelle collection acquise par la famille Costa chez des antiquaires, des maisons de vente, et qui retracent l'histoire et le rôle du parfum: outil de séduction, élément de rite funéraire dans l'Égypte ancienne ou parée de vertus médicinales au Moyen-Age.

Sont notamment présentés des pomanders, bijoux contenant de l'ambre: «Les gens les portaient en pensant que les odeurs leur permettraient de se prémunir contre les maladies», explique Charlotte Urbain, chargée de coordonner le projet.

Le parfum se retrouve aussi à l'état vaporeux, avec un brûle-parfum de l'époque de Louis XIV en bronze doré et des pots-pourris: «C'était une mode à partir du XVIIe siècle pour parfumer ses salons. C'était à qui avait la meilleure signature olfactive, dans des objets magnifiques», commente encore Charlotte Urbain.

Au XVIIIe siècle les flacons deviennent des oeuvres d'art, travaillées par des orfèvres: en lapis-lazuli, agate, émail. Flacons Lalique, Fabergé... Au XXe siècle, le parfum devient «couture», avec l'alliance du trio parfumeur-verrier-couturier.

Le travail des fameux «nez» n'est pas oublié: ces professionnels à l'odorat surdéveloppé composent les trois temps fondamentaux de la «pyramide olfactive» du parfum: tête, coeur et fond.

Disposés en rang sur plusieurs niveaux, plus de 200 flacons identiques étiquetés avec chaque essence forment l'orgue sur lequel travaille le créateur. Le vocabulaire de la profession s'inspire directement de la musique, au moment de composer les «notes aromatiques».

À côté, un bureau de parfumeur contemporain, avec écran, touches à sentir et flacons d'essais de laboratoire: «Aujourd'hui, les parfumeurs travaillent avec un ordinateur, et non plus en mélangeant des fioles, leur nez est dans leur cerveau», explique Agnès Webster.

Une salle de collection d'étiquettes, une fresque sur la maison Fragonard et une boutique complètent le musée, organisé sur trois niveaux, dont l'entrée est gratuite.