«Beauty from the inside out»: c'est ainsi que les anglophones nomment la tendance. Après les crèmes, sérums, huiles et autres onguents appliqués sur notre peau et nos cheveux, voici les nutricosmétiques, nouvelle génération de cosmétiques se présentant sous forme de gélules, pilules, infusions et cocktails, qui promettent d'agir de l'intérieur vers l'extérieur.

Le mouvement des nutricosmétiques est parti d'un constat: un produit topique ne peut agir sur les couches profondes de la peau. D'où l'idée de soutenir l'action des cosmétiques de l'intérieur, en nourrissant les cellules du derme de micronutriments bons pour la peau ou les cheveux.

Les premiers nutricosmétiques sont apparus à la fin des années 80. Ils sont extrêmement populaires en Asie, notamment au Japon, le plus gros marché sur la planète. «Au Japon, les consommateurs connaissent les bénéfices des nutricosmétiques et les utilisent abondamment, à tel point que le marché a atteint sa maturité», constate Nandhini Rajagopal, analyste et experte en nutricosmétiques pour Frost&Sullivan, une firme spécialisée dans les études et analyses de marché pour entreprises.

Alors que le marché est en forte progression en Europe, l'Amérique du Nord, où les premiers nutricosmétiques ont été introduits il y a une décennie, semble peu réceptive. «Les consommateurs nord-américains ne connectent pas avec ces produits. Ils veulent des résultats immédiats, alors qu'il faut consommer les nutricosmétiques sur une base quotidienne pendant des mois, voire des années, pour constater leurs bénéfices», explique Mme Rajagopal.

Si les entreprises réussissent à convaincre les consommateurs nord-américains du bien-fondé des nutricosmétiques, le potentiel commercial est énorme. Selon la chercheuse, le marché pourrait croître de 15% d'ici 5 à 7 ans sur le continent, notamment grâce à la population vieillissante, particulièrement ciblée par l'industrie. «C'est le début de la vague en Amérique du Nord, croit Julie Radicioni, présidente d'Inovacure, une entreprise québécoise qui vient de lancer son premier nutricosmétique. D'ici trois à cinq ans, la tendance devrait s'installer, grâce aux baby-boomers, mais aussi car les gens veulent complémenter leur alimentation par différents types de nutriments.»

Produit efficace ou perte de temps?

Mis au point en laboratoire à partir de compléments alimentaires comme les vitamines, les acides gras ou les minéraux, les nutricosmétiques ciblent des problèmes spécifiques, comme la cellulite, le vieillissement de la peau, les ongles cassants, ou encore, agissent à titre préventif, par exemple pour aider la peau à se prémunir contre les rayons UV.

Bref, les nutricosmétiques sont à la beauté ce que les multivitamines et autres suppléments sont à l'alimentation. «En effet, certains nutriments ont pour fonction de maintenir notre apparence, comme la vitamine A et ses bienfaits pour la santé des yeux et de la peau. Cela dit, il est nettement plus sain de la consommer sous forme d'aliments que de dépenser une fortune pour manger des pilules qui n'offriront peut-être pas des résultats significatifs. C'est comme pour les suppléments alimentaires ; c'est toujours mieux absorbé par l'intermédiaire des aliments», croit Catherine Lefebvre, nutritionniste.

«Les nutricosmétiques ne remplaceront jamais une alimentation saine, soutient Nathalie Pelletier, nutritionniste pour l'entreprise québécoise Functionalab, qui se spécialise notamment en nutricosmétiques. Mais même si on s'efforce de bien manger, il est difficile d'aller chercher tous ses nutriments. En fait, les nutricosmétiques ciblent des objectifs beauté spécifiques, grâce à des ingrédients et des doses précises. C'est un peu comme un athlète qui prend des suppléments riches en protéines pour se construire une bonne masse musculaire!», compare-t-elle.

Mais comment s'assurer que ces différents micronutriments soient absorbés correctement par notre organisme et agissent là où ils sont censés le faire? Stéphanie Côté, nutritionniste pour Extenso, est sceptique: «Par exemple, le corps gère les protéines d'un supplément de collagène comme celles des viandes; en les digérant, il les décompose et les réutilise selon les besoins. Un supplément de collagène ne prend pas le chemin vers la peau, tout comme un supplément de vinaigre de cidre ne va pas faire fondre le gras autour du ventre! Ça ne fonctionne tout simplement pas comme ça.»

Un commentaire que Mme Pelletier admet avoir déjà entendu. «Il est sûr que le collagène ne va pas venir agir directement sur la peau; il va plutôt, s'il est bien absorbé, venir stimuler la production naturelle de collagène», argue-t-elle.

Au final, il est peut-être des nutricosmétiques comme de l'industrie des cosmétiques en général: si certains produits peuvent aider à diminuer l'apparence des rides, à redonner de la fermeté à la peau ou à réduire la cellulite, on est encore loin d'avoir trouvé le produit miracle qui nous redonnera nos 20 ans. En attentant, on peut toujours rêver... pilules à la main ou pas.

La réglementation au Canada

Produits de santé naturels

La plupart des nutricosmétiques entrent dans cette catégorie. Deux options: le produit est homologué par Santé Canada, avec un numéro de produit naturel (NPN) à six chiffres, ce qui signifie que les affirmations de l'entreprise quant aux bienfaits de son produit ont été vérifiées, et la liste des ingrédients, contrôlé. Autrement, un produit peut avoir un numéro exemption (NE) à six chiffres, lorsqu'il n'a pas encore subi une évaluation coontrôlée, mais qu'il est tout de même considéré comme sûr.

Plus d'information: www.hc-sc.gc.ca

Aliments

Certains nutricosmétiques, comme le Cocktail Vitalité d'Inovacure, sont considérés comme des aliments. Dans ce cas, ils doivent être approuvés par ACIA (Agence canadienne d'inspection des aliments).

www.inspection.gc.ca