Seize mois après la polémique suscitée par ses propos sur les «nègres» et les menaces de boycottage des parfums Guerlain, Jean-Paul Guerlain, descendant du fondateur de la célèbre maison, a regretté jeudi devant le tribunal de Paris avoir commis cette «imbécilité».

«J'ai dit une imbécillité», a expliqué jeudi M. Guerlain, 75 ans, costume marron et béquilles, connu pour avoir lancé une quarantaine de parfums, tous plus connus les uns que les autres: de Vétiver à Habit rouge, en passant par Samsara.

Face à l'ancien «nez», toute une ribambelle de représentants d'associations de lutte contre le racisme (Licra, Mrap, SOS Racisme, Noir et Fier...) qui lui reprochent une injure à caractère raciale. Le prévenu encourt six mois de prison et 22 500 euros d'amende.

La polémique remonte au 15 octobre 2010. Ce jour-là, interviewé au journal télévisé de la chaîne publique France 2 sur la création d'un parfum, le septuagénaire avait répondu: «Pour une fois, je me suis mis à travailler comme un nègre. Je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin...».

Un déluge de protestations et d'appels au boycottage des produits Guerlain avait suivi.

L'ancien «nez» de Guerlain avait alors présenté ses excuses «à tous ceux qui ont pu être blessés par les propos choquants qu'(il a) tenus». Des propos qui selon lui «ne reflètent en aucun cas (sa) pensée profonde, mais relèvent d'un dérapage hors de propos».

Ces excuses n'avaient pas suffi à étouffer la controverse ni dissuader plusieurs organisations de lutte contre le racisme (SOS racisme, le Mouvement contre le racisme et l'antisémitisme Mrap...) de porter plainte, au milieu d'appels au boycottage.

«La première partie de ma phrase est une phrase que j'ai entendue toute ma jeunesse quand je travaillais dans le jardin de mon grand-père. Je suis d'une autre génération», s'est justifié jeudi M. Guerlain. C'était «une expression courante à l'époque».

«Quant à l'autre phrase, c'est une imbécillité de ma part, j'ai voulu faire rigoler la journaliste et je le regrette», a poursuivi le parfumeur, vêtu d'un de ses indéfectibles complets trois pièces.

«Je regrette très profondément et je présente toutes mes excuses à la communauté noire pour cette imbécillité», a-t-il répété à plusieurs reprises.

«Je ne me sens pas du tout coupable, car je n'ai jamais été raciste, bien au contraire. Je passais la moitié de mon temps en Côte d'Ivoire, au Sénégal et en Haute-Volta (ex-colonie d'Afrique occidentale française, aujourd'hui le Burkina Faso), en Guinée-Bissau» pour prélever la matière première nécessaire aux parfums.

Soucieuse d'éteindre la controverse, la direction de Guerlain s'était empressée de qualifier d'«inadmissibles» les propos de Jean-Paul Guerlain, rappelant qu'il n'était plus actionnaire de la maison depuis 1996.

Retraité depuis 2002, M. Guerlain était, jusqu'en octobre 2010, resté consultant auprès du «nez» de la maison, Thierry Wasser. Mais l'entreprise a cessé toute collaboration quelques jours après ses propos sur les «nègres».

À l'issue de l'audience, le tribunal devait mettre sa décision en délibéré.