C'était au mois de janvier. Le mois où le cache-cernes passe d'objet de coquetterie à outil de survie. Une station de radio de Québec lance un défi: et si on osait vivre une journée sans maquillage?

Sarah Bouchard, enseignante à l'école secondaire de La Seigneurie, n'a pas hésité une seconde. Le projet était pour elle. Pour elles. Les filles de son école. Toutes ces ados qui se pomponnent depuis la cinquième année du primaire, qui n'osent souvent pas sortir de chez elles avant d'avoir passé de longues minutes à se poudrer, se farder, dessiner et redessiner leurs yeux, leurs lèvres, et puis quoi encore.

«En deuxième secondaire, les filles se maquillent à peu près tous les jours! Sans exception. C'est beaucoup quand même. Et cela va jusqu'au fond de teint, rapporte l'enseignante. Oui, souvent, c'est exagéré.» Et pourquoi? «C'est la pression sociale pour faire comme les autres, croit-elle. Les filles qui ne se maquillent pas sont rares. Vraiment rares.»

D'ailleurs, ses élèves étaient mûres pour son défi, croit-elle. Toute l'année, dans ses cours d'éthique et culture religieuse, ils avaient parlé d'estime de soi, d'hypersexualisation dans les médias, vu des documentaires (dont Sexy inc. et Être ou paraître), débattu, partagé. L'idée d'oser une journée sans maquillage n'était donc pas saugrenue.

Il faut dire que le concept n'est pas nouveau. L'an dernier, au mois de mai, Canal Vie a aussi mis les femmes au défi de passer une journée sans maquillage. Un message relayé par le magazine Elle Québec. Aux États-Unis, un collège du Texas invite également ses élèves à se présenter tous les mardis sans maquillage. L'école secondaire de La Seigneurie, de Québec, a donc emboîté le pas, invitant toutes ses élèves, mais aussi le personnel enseignant, à se présenter en classe sans le moindre fard, le premier mardi de février. Et tous les mardis qui ont suivi, pendant le mois au grand complet.

«La première journée, ça a été très difficile. Plusieurs filles sont arrivées habillées en jogging, coton ouaté, en relax, pour ne pas que ça paraisse! Ça a été le moyen d'à peu près tout le monde pour faire face au défi!»

La deuxième semaine, l'opération a été moins complexe, et ainsi de suite jusqu'au dernier mardi. Au total, sur 612 filles de l'école, plus de 500 ont participé. «Les seules filles qu'on n'a pas touchées, avec nos Beautés du mardi, ce sont celles qui sont incapables de ne pas se maquiller, pour qui le maquillage n'est carrément pas une option; et aussi celles qui, déjà, ne se maquillaient pas.»

Bilan de l'opération? Sarah Bouchard est convaincue que le projet a eu un impact très positif. «Les filles ont pris conscience de leur relation au maquillage. Certaines filles m'ont dit en mettre moins maintenant. Certaines journées, si elles n'ont pas le temps, elles viennent sans. Alors qu'avant, ça n'était pas une option.»