Créatrice vedette des produits de beauté Panasonic, Shiori Yamada est une exception dans le monde de l'entreprise au Japon. Dans cette culture dominée par les hommes, rares sont celles qui parviennent à franchir le plafond de verre et quand elles y arrivent, c'est souvent dans des domaines considérés comme typiquement féminins.

Le succès des produits de beauté créés par cette Japonaise de 36 ans, dont les campagnes publicitaires sont placardées sur tous les trains de banlieue, a fait taire les plus sceptiques chez Panasonic. Son best-seller, le Nano Care -un humidificateur pour la peau, en forme de boule- s'est vendu à 350 000 exemplaires en un an.Panasonic devient ainsi pionnier des gadgets cosmétiques, presque sans rival à l'horizon. La formule fonctionne car «tout le monde veut être beau, mais c'est dur de trouver du temps», explique cette jeune femme réservée au regard soutenu. Et aussi, pense-t-elle, parce que son équipe féminine a su conquérir le coeur des femmes, à la différence de leurs collègues masculins.

Son parcours est exemplaire dans un pays qui se situe en 101e position de «l'Index de l'inégalité entre les sexes» 2009 du Forum économique mondial, une organisation à but non lucratif qui a évalué les chances économiques et la prise de pouvoir des femmes par pays. En tête se trouve l'Islande, loin devant la France arrivée en 18e position.

Au Japon, 9% des postes à responsabilité et de direction sont occupés par des femmes, contre 38% en France notamment, selon les chiffres du Bureau international du travail (BIT) présentés par l'organisation américaine Catalyst.

En dépit de sa réputation de compagnie égalitaire, Panasonic ne compte que 2.000 femmes sur 38 000 dirigeants, soit 5% des effectifs. Et encore, leur nombre a triplé ces quatre dernières années.

Pour beaucoup de dirigeantes, le département cosmétiques est un tremplin. L'important, selon Morra Aarons-Mele, fondatrice de la société de conseil Women Online, n'est pas d'avoir des femmes intelligentes qui savent vendre aux femmes, mais que ces femmes arrivent à des positions de direction.

«Si les produits pour femmes de Panasonic sont simplement un coup des relations publiques ou une idée marketing sympa qui ne va pas plus loin, je pense qu'ils caricaturent de façon injuste les créatrices», a-t-elle dit à l'Associated Press. En revanche, «si ces nouveaux projets aident certaines femmes designers à se faire remarquer pour obtenir un poste et diriger la création de nombreux produits, pas seulement des sèche-cheveux, alors je pense que c'est bien».

A Panasonic, la bataille ne fait que commencer. Le record des ventes de Mme Yamada a favorisé la promotion d'une autre femme au marketing des rasoirs électriques. Bien que ce produit s'adresse aux hommes, Panasonic pense les convaincre d'acheter en visant leurs partenaires féminines. La nouvelle publicité met ainsi en avant un chanteur célèbre censé gagner le coeur des femmes.

Selon Kazuyo Katsuma, analyste économique et auteur d'ouvrages à succès sur la prise de pouvoir des femmes, le Japon a été si longtemps isolé des changements intervenus dans le monde en faveur d'une plus grande égalité des sexes qu'il n'est pas habitué à la diversité, qu'elle concerne les femmes, les étrangers ou les handicapés.

Même si beaucoup de compagnies souhaiteraient offrir des chances aux femmes, le système n'est pas prévu pour et la plupart des femmes travaillant à temps plein doivent quitter leur emploi lorsqu'elles ont leur premier enfant, explique Mme Katsuma.

«Le changement devrait prendre une génération», estime-t-elle, ajoutant que le ralentissement économique, qui a rogné le volant d'emplois lucratifs, pousse les jeunes femmes à vouloir rester au foyer. «Si vous observez seulement les indicateurs économiques concernant les femmes au Japon, nous ne régressons pas par rapport à il y a dix ans. Le progrès a simplement été lent alors qu'il était rapide partout ailleurs.»

«Vous ne pouvez pas demander à Panasonic de changer à lui seul la culture japonaise», ajoute Mme Katsuma. Elle plaide pour des pénalités qui forceront les sociétés à embaucher des femmes et pour une modification de la législation qui réduira le très lourd temps de travail des hommes japonais.