La volonté de nombreuses femmes noires de blanchir leur peau malgré la nocivité de certains produits est un phénomène préoccupant qu'admettent les salons de beauté spécialisés et que dénoncent les dermatologues.

«Black is beautiful», assurent la plupart des salons de coiffure ou de beauté destinés à une clientèle d'origine africaine, concentrés en France à Paris aux environs du métro Château-Rouge, dans le Xème arrondissement.

Mais des enseignes n'oublient pas l'attrait de nombreuses femmes noires pour l'éclat du blanc. «Fair White» ou «Day Light» y font directement allusion et leurs vitrines regorgent de produits aux noms évocateurs : de «lightening ampoules» à «sérum éclat intense» en passant par «ampoules éclaircissantes».

Les produits mis en vitrines sont autorisés. Mais le commerce illégal de substances, généralement importées d'Afrique en contrebande, inquiète les autorités, comme en témoigne une campagne que la mairie de Paris a lancée mardi pour mettre en garde les communautés afro-antillaises contre les produits de dépigmentation.

Selon des statistiques de la mairie, de 10 à 15% des jeunes filles afro-antillaises de Paris seraient tentées d'utiliser des substances censées assurer une dépigmentation de la peau.

«La demande est effectivement très forte et la campagne contre ces produits n'y fera rien», estime Hassan, responsable de l'enseigne «Day Light».

«Je ne vois pas l'utilité d'une nouvelle campagne, les produits à base de cortisone ou d'hydroquinone ont déjà été interdits», estime Natacha Bakambana, responsable d'un salon de beauté spécialisé dans la vente de crèmes «éclaircissantes».

L'Union européenne a effectivement interdit en 2001 l'utilisation dans les cosmétiques d'hydroquinone, considérée comme probablement cancérigène. Mais sont utilisés d'autres produits à base de cortisone, pouvant favoriser le diabète ou l'hypertension.

«Certaines femmes utilisent non seulement des produits à base de cortisone mais aussi de mercure», indique la dermatologue Dominique Penso. «Cela provoque des acnés sévères, de graves lésions pigmentaires».

«La campagne de la mairie de Paris est une excellente idée. Mais il faut aussi prévoir des saisies des produits illicites vendus sous le manteau dans de nombreux marchés», ajoute-t-elle.

«Certains produits continuent de passer sous la table. C'est comme pour la drogue, le marché noir existe», reconnaît Natacha Bakambana. «Et on peut aussi en trouver sur internet», dit-elle.

Une récente opération de police dans le quartier Château-Rouge a permis la saisie de plus de 100.000 pots de crèmes et lotions blanchissantes.

Natacha Bakambana reconnaît que la demande reste forte. «C'est normal: celles qui ont la peau noire veulent une peau plus claire, comme celles qui ont la peau blanche veulent être bronzées : le critère de beauté c'est la peau mate», estime-t-elle.

«Pour éclaircir leur peau certaines femmes sont prêtes à n'importe quoi, même de se baigner à l'eau de Javel», indique Yohann Cohen, responsable de l'enseigne MGC à l'origine du développement il y a une vingtaine d'années du concept de «beauté ethnique» en France.

«Le problème est ancien : il vient d'Afrique où de nombreux hommes préfèrent les femmes au teint clair», dit-il.

Mais selon lui «la jeune génération est moins touchée». «Chez nous la tendance est à la baisse», dit-il, soulignant que l'éclaircissement de la peau ne représente qu'une partie «très faible» de son revenu.