Christian Louboutin garde l'exclusivité dans l'Union européenne des escarpins à semelle rouge, sa fameuse «signature» reconnue dans le monde entier, a tranché mardi la justice européenne.

«Une marque consistant en une couleur appliquée sur la semelle d'une chaussure» peut être enregistrée dans l'UE, écrit la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) dans un communiqué.

Seul Louboutin peut donc continuer à laquer le dessous de ses escarpins vertigineux avec un rouge vif bien particulier, la couleur numéro 18.1663TP du célèbre nuancier Pantone.

La CJUE était saisie par le tribunal de La Haye pour l'aider à statuer sur une affaire opposant une société néerlandaise, Van Haren, qui a commencé à commercialiser en 2012 des escarpins à semelle rouge, et que Christian Louboutin attaquait pour contrefaçon.

Van Haren contestait la validité même de la marque telle qu'elle a été déposée au Benelux par Louboutin, qui a utilisé à la fois le critère de la couleur et de la forme pour la définir. Une «combinaison» que la société néerlandaise estime contraire à la législation européenne sur les marques.

Les juges ont finalement considéré que «la marque ne porte pas sur une forme spécifique de semelle de chaussures à talons hauts» et n'est donc pas contraire à l'interdiction d'enregistrer des formes dans l'UE.

«La description de cette marque» indique «expressément que le contour de la chaussure ne fait pas partie de la marque, mais sert uniquement à mettre en évidence l'emplacement de la couleur rouge visée par l'enregistrement», expliquent-ils.

«C'est une pleine victoire et une très grande satisfaction», ont réagi auprès de l'AFP les représentants de Louboutin.

La justice néerlandaise doit encore statuer sur l'accusation de contrefaçon portée contre le chausseur Van Haren.

Plusieurs litiges

Ces dernières années, Christian Louboutin a dû faire face à plusieurs procédures judiciaires, en France comme à l'étranger, lors de litiges avec d'autres marques ayant commercialisé des souliers à semelle écarlate.

Dernière affaire en date, celle l'opposant à la société de maroquinerie Kesslord qui proposait des modèles avec une semelle rouge: la cour d'appel de Paris a confirmé en mai une décision du tribunal de grande instance, qui avait donné raison à Christian Louboutin et condamné Kesslord à payer 7500 euros (11 500 $) au créateur français et à sa société.

«La CJUE a statué mardi dans le même sens que la Cour d'appel de Paris et considéré que l'application d'une couleur à un emplacement spécifique d'un produit constituait une marque distincte et protégeable», a résumé à l'AFP Vanessa Bouchara, avocate spécialiste en propriété intellectuelle.

En 2012 aux États-Unis, à l'issue d'un procès en appel contre Yves Saint Laurent, la justice avait reconnu que les célèbres semelles rouges pouvaient être une marque déposée, «sauf si (le reste de la chaussure) est de la même couleur».

Mais un an plus tôt, en France, Christian Louboutin avait perdu face à la chaîne espagnole Zara: si le tribunal de grande instance lui avait donné raison dans un premier temps, la cour d'appel de Paris puis la cour de cassation avaient estimé pour leur part que «la couleur rouge revendiquée» n'était «pas définie par une référence permettant de l'identifier avec précision».

C'est d'ailleurs à l'occasion de ce litige que la maison française avait renforcé ses critères pour mieux définir - et protéger - sa marque, en la déposant de nouveau.