Décors de théâtre, illustrations de roman, poupées de papier: le Musée Yves Saint Laurent à Paris présente, à partir de mardi, les dessins de jeunesse du couturier, qui permettent de comprendre les sources d'inspiration de ses créations futures.

«À l'occasion des dix ans de la mort d'Yves Saint Laurent, nous nous sommes dit que ce serait un bel hommage que de célébrer sa jeunesse, en montrant au public des dessins qui n'ont pour la plupart jamais été montrés au public», explique le directeur du musée, Olivier Flaviano.

Dans un des salons de son ancienne maison de couture, située dans le 16e arrondissement, une soixantaine de dessins réalisés pendant son adolescence à Oran, en Algérie, entre 1950 et 1954, sont présentés au public.

De ses croquis de décors de théâtre à ses dessins de mode, les visiteurs peuvent observer l'évolution du trait du créateur. Perspective, sens des proportions du corps humain, fluidité de la ligne: à la fin de la période, Yves Saint Laurent commence à trouver son style.

Mais avant cela, le jeune garçon apprend en imitant, copiant et recopiant «ses maîtres». Le costumier et décorateur de théâtre Christian Bérard est l'un d'entre eux. Yves Saint Laurent découvre son travail en 1950, lors d'une représentation de l'École des femmes donnée à Oran en 1950.

«À la manière de Bérard, il se sert de feuilles à dessin de couleur foncée et utilise des aplats de gouache pour faire apparaître un chandelier, le lit de la reine», décrit le directeur du musée qui a ouvert en septembre dernier.

Né en 1936, en Algérie, Yves Saint Laurent a grandi en plein coeur de la brillante société oranaise. Adolescent, il fait ses classes dans une école catholique, où il se plaît très peu. Une fois rentré à la maison, il se réfugie dans «une petite pièce dans laquelle il dessine, crée ses personnages et ses costumes de théâtre», explique le directeur.

Collection imaginaire

La créativité du jeune homme s'exprime d'abord à travers le théâtre et la littérature, la passion pour la mode vient plus tard. Le musée présente, notamment, trois de ses livres illustrés. Yves Saint Laurent s'appliquait à retranscrire et illustrer ses romans préférés comme Madame Bovary de Gustave Flaubert.

C'est à partir de 1953, que le créateur commence à s'intéresser à la mode. Il imagine ses propres collections: dans les pages des magazines de mode achetés à la Grande libraire d'Oran, il découpe des silhouettes de mannequins. Pour ses poupées de papiers, il créait de vastes gardes robes, des tenues de jour, de cocktail, des robes du soir et des accessoires dessinés au feutre ou à l'aquarelle.

La fondation Bergé - Saint Laurent, propriétaire du musée, possède 500 de ces pièces, et en présente aujourd'hui cinquante - une première en France. Plus qu'un jeu d'enfant, ces «paper dolls» sont de véritables collections.

Yves Saint Laurent réalise un programme à distribuer à ses clientes imaginaires. «Dedans, il précise qui réalise les coiffures, qui crée les bijoux, qui sont ses fournisseurs. Il ne les invente pas, il prend ce qu'il peut voir dans les magazines», explique Olivier Flaviano.

«Les tenues dessinées sont des créations originales, mais on peut déjà voir que l'inspiration est très Dior», souligne Olivier Flaviano. Quatre ans plus tard, en 1957, Yves Saint Laurent, alors âgé de 21 ans, prend la direction artistique de Christian Dior.

En 1962, il lance sa propre maison, où il inventera la garde-robe de la femme moderne. Tout au long de sa carrière, à côté de ses vêtements, Yves Saint Laurent créera des costumes pour le cinéma, le music-hall, le ballet et ... le théâtre, sa première passion.

Cette exposition présentée à l'entrée du musée, «est une introduction à ce que le public va voir après dans les salles du musée», précise le directeur. Une antichambre qui permet de donner des clés de compréhension à l'oeuvre du créateur de génie qui disait: «Mon enfance ne meurt jamais, elle se prolonge en moi comme un secret».