Les marques de sport des années 80 et 90 font un retour en force. On pense à Fila et à Champion qui, oubliées pendant plusieurs années, sont branchées de nouveau, à la chaussure Stan Smith d'Adidas, redevenue incontournable, mais aussi à Vuarnet, qui souhaite reconquérir le marché des lunettes de soleil. Comment expliquer ces retours?

Confort et style

On le sait, la mode est composée de cycles. «Ça s'en va et ça revient», comme le chantait si bien Claude François. Par ailleurs, on a tous [ou presque] adopté l'allure décontractée d'aujourd'hui.

«Le sportswear prend toujours de l'ampleur, alors il ne faut pas s'étonner du retour des marques qui ont eu du succès à une époque où le look sport était réservé aux sportifs et aux athlètes. Aujourd'hui, cette allure fait partie de notre quotidien, car on aime le confort et le style qu'offrent ces vêtements», estime Jean-Pierre Desnoyers, chroniqueur mode à Radio-Canada.

L'autre élément important, c'est que les marques de luxe se réapproprient et réinterprètent le style sport tant aimé de tous. De grandes maisons comme Balenciaga et Gucci ont créé des collections très sport qu'on a vues dans leurs défilés. «La marque de luxe Vetements [à qui l'on doit le fameux chandail Titanic que Céline Dion a porté] a collaboré avec Fila, Champion, Levi's... Cette maison a littéralement dicté le retour de ces marques de sport, créé un véritable engouement et les a remises au goût du jour, d'un point de vue mode», observe M. Desnoyers.

Cristina Mendoza, responsable des achats pour femmes de la boutique Off The Hook située dans le Vieux-Montréal, évoque le succès incroyable des rééditions de modèles de souliers sport des années 80 et 90. «Les gens font la file pour se les procurer, et ils s'envolent en quelques heures. Certains modèles affolent le marché et peuvent valoir trois fois le prix.» Elle cite en exemple le Nike Air Max 91 ou encore les éditions limitées des collaborations de Pharrell Williams avec Adidas. «La Stan Smith, on en achète sans arrêt! Il y a toujours de nouveaux modèles et collaborations», souligne Cristina Mendoza.

«Ce qui a changé, c'est qu'on voit que les chaussures et les vêtements de sport sont aujourd'hui dignes d'investissement, ce qui n'était pas le cas avant.»

L'influence des vedettes

Autre phénomène, l'influence des vedettes du sport, mais surtout celles du milieu de la musique et de la mode qui ont adopté le look sportswear et les marques vintage. «Rihanna, Kanye West, les soeurs Kardashian, Gigi et Bella Hadid, les stars du hip-hop ainsi que tous les influenceurs mode des réseaux sociaux portent fièrement ces marques de sport», remarque Jean-Pierre Desnoyers. Il cite aussi le retour de Vans, Le coq sportif, Asics, Tommy Hilfiger...

Cristina Mendoza parle du sportswear comme d'un mode de vie. «Ça touche tout le monde: les hommes, les femmes et les enfants. Le marché a beaucoup augmenté chez les femmes qui consomment de plus en plus de baskets rétros et de vêtements confortables.»

Il faut aussi signaler qu'il y a un vent de nostalgie qui souffle sur notre époque. «Le marketing se base beaucoup sur la nostalgie, et on doit admettre que ça marche. Gap retourne aussi à son allure des années 80 et 90. On recapitalise beaucoup sur le passé», constate Jean-Pierre Desnoyers. La réunion des mannequins stars des années 90 pour Versace a provoqué un grand engouement. «Revoir sur une même scène Cindy Crawford, Naomi Campbell, Claudia Schiffer, Carla Bruni et Helena Christensen, c'est se souvenir d'une belle époque révolue», conclut-il.

Vuarnet, la reconquête

Lionel Giraud est président de Vuarnet depuis deux ans. Sa mission? Relancer la marque française qui a longtemps été une référence de qualité dans le marché des lunettes de soleil. De passage à Montréal, il dit d'emblée que la notoriété de la marque est plus importante que la réalité économique.

Il évoque les éléments fondamentaux qui ont fait le succès de Vuarnet et qu'il faut réactiver. «Tout d'abord, nous avons réinvesti dans notre usine de fabrication, car Vuarnet, c'est un verre 100 % minéral de qualité, fait en France depuis 60 ans.» Il insiste sur ce fait, puisque c'est ce qui distingue Vuarnet de ses concurrents. «Une paire de verres en plastique coûte 50 cents à produire alors que le verre minéral a un coût de fabrication de 20 $. La qualité du verre protège des rayons ultraviolets, il ne se raye pas, et le verre a une vision de grande précision. On n'imagine pas un photographe travailler avec une lentille en plastique», lance le président de Vuarnet.

Pour la petite histoire, c'est en 1957 que l'opticien Roger Pouilloux crée le verre Skilynx, capable de procurer une vision parfaite sur les pistes de ski et qui permet de voir les reliefs, beau temps, mauvais temps. En 1960, il s'associe au champion de ski Jean Vuarnet, qui a remporté la médaille d'or aux Jeux olympiques à Squaw Valley la même année. C'est ainsi qu'est née la marque avec le succès du modèle 02. En 1984, Vuarnet est un des commanditaires officiels des Jeux olympiques de Los Angeles avec le slogan «It's a Vuarnet Day Today». La marque est devenue mythique à travers les années avec des stars comme Alain Delon, Romy Schneider, Mick Jagger, Miles Davis, Jeff Bridges, Daniel Craig, Jake Gyllenhaal qui ont tous porté des lunettes Vuarnet.

Pour que la reconquête soit complète, le style des lunettes a été revu au goût du jour. Les modèles iconiques 02, 03 et 06 sont restés, et le modèle Glacier a été légèrement modifié.

«Vuarnet reste une marque active-sportive avec une élégance intemporelle», estime Lionel Giraud, président de Vuarnet.

Il indique que Vuarnet s'adresse à ceux et celles de plus de 40 ans qui ont connu la marque et qui ont une paire au fond de leur tiroir, puis il cible les 25-35 ans qui aiment les années 80 et qui apprécient le savoir-faire de la marque.

Est-ce que la marque profite du vent de nostalgie des années 80? «Oui, il y a un peu de ça, mais il faut projeter la marque dans l'avenir. On ne peut pas rester dans un esprit passéiste.»

Et pour faire parler de la marque, côté promotion, c'est Vincent Cassel qui a été choisi à titre d'ambassadeur. «Un Français sportif, élégant, qui parle à toutes les générations et qui a une notoriété internationale. Il a accepté tout de suite, car à 18 ans, son premier achat a été une paire de Vuarnet pour aller skier», explique Lionel Giraud.

La chance fait aussi partie du plan de relance. Deux semaines après son arrivée en poste à titre de président, Lionel Giraud reçoit une photo du film Spectre où James Bond, incarné par Daniel Craig, porte une paire de Vuarnet lors d'une scène dans la neige. «Et ce n'était pas un placement de produit ! Vous imaginez les retombées! C'est la production ou le styliste du film qui a donné le modèle Glacier à Daniel Craig», se souvient joyeusement Lionel Giraud.

Une marque a aussi besoin de lieux physiques pour exister: une boutique vient d'ouvrir à Paris, l'ouverture d'un magasin à New York est prévue en 2018, puis d'autres magasins suivront.

Les collaborations? «On a fait des collaborations avec une marque de mode américaine, Rag & Bone, et une marque française de sacs à dos, Eastpak. On va continuer à en faire dès le début de 2018», indique M. Giraud.

Celui-ci souhaite reconquérir des marchés comme le Canada et les États-Unis, où la marque n'était plus présente. «Au Québec, Vuarnet a eu du succès dans les belles années et est très aimée, car les Québécois sont sportifs, apprécient le plein air... C'est un marché qui nous correspond bien.» Les lunettes Vuarnet sont offertes chez Opto-Réseau. Et pour les nostalgiques, le t-shirt avec le fameux logo Vuarnet est de retour chez Simons.

Photo fournie par Vuarnet

Pour les nostalgiques, le t-shirt avec le fameux logo Vuarnet est de retour chez Simons.