Chacune à leur façon, les entreprises montréalaises Frank And Oak et Naked & Famous ont opéré une petite révolution dans leur milieu grâce à leur créativité et à leur esprit novateur. Rencontre avec deux visionnaires dont la notoriété dépasse désormais largement les frontières du Québec.

Ethan Song, Frank And Oak: Au service

À moins de vivre sur une autre planète, impossible pour un Montréalais de ne pas connaître Frank And Oak. Projet d'Ethan Song et Hicham Ratnani, l'entreprise de mode masculine - qui s'est récemment lancée dans le féminin - a chamboulé les règles du marché lors de sa fondation, en 2012, en proposant un modèle d'affaires novateur et audacieux, misant sur l'alliance entre le design et la technologie. Un pari gagnant qui l'a rapidement fait entrer dans les ligues majeures.

Aujourd'hui, Frank And Oak offre à sa clientèle de nouvelles collections chaque mois et multiplie les collaborations avec des créateurs inspirants. Elle exploite aussi 17 boutiques à travers le Canada et les États-Unis, qui proposent aux hommes une expérience globale, avec service de barbier et café troisième vague sur place, par exemple.

Décrivez Frank And Oak en trois mots...

Moderne, classique, simple.

Ce que vous ne faites pas comme les autres...

D'abord, nous sommes différents parce que nous vendons directement aux consommateurs, sans intermédiaire. Ce qui nous distingue également, c'est que notre vision initiale était d'aider les hommes à mieux se vêtir. Le concept de Frank And Oak part donc d'une expérience qui a évolué pour devenir un produit. Ce n'est pas seulement à propos de la facilité, mais surtout d'aider les hommes à faire bonne figure et à bien paraître tout en restant dans la simplicité.

Quel principe vous guide lorsqu'il est question de l'élaboration de vos collections?

La plupart des hommes aiment avoir un uniforme, une cohérence dans leur garde-robe, des pièces dans lesquelles ils paraissent et se sentent bien. C'est pourquoi nous insistons beaucoup sur la coupe et les matières. Ainsi, une fois qu'un homme trouve une coupe qui lui sied, il peut décliner une pièce avec différentes matières. Cette simplicité est très importante dans nos designs.

Nous proposons également plusieurs collaborations avec d'autres marques, ce qui nous permet de proposer des idées nouvelles, intéressantes à nos clients, tout en combinant notre histoire avec celles d'autres, comme nous l'avons fait par le passé avec Naked & Famous, par exemple. La plupart de nos clients sont dans des domaines créatifs: ils sont photographes, designers graphiques, etc. Donc tout le «storytelling» derrière les produits devient extrêmement important. Ce n'est plus seulement une simple paire de pantalons, il y a des esprits créatifs, des entrepreneurs derrière, et c'est ce qui les rend uniques.

Le secteur de la mode masculine a énormément changé au cours des dernières années. Pourquoi, selon vous?

Le succès de Frank And Oak a clairement à voir avec cette croissance du secteur. En observant le marché, on peut dégager deux facteurs qui expliquent ce phénomène. D'abord, les hommes ont désormais accès à davantage d'information, que ce soit Instagram ou Facebook, donc ils sont davantage inspirés quant à leurs choix vestimentaires. 

Puis, l'environnement de travail est beaucoup plus décontracté qu'auparavant. En tant qu'hommes, on est donc de plus en plus encouragés à créer notre propre style alors qu'avant, il suffisait de s'acheter un complet bleu marine et le tour était joué. C'est vrai que la mode peut être superficielle, mais c'est également une façon de s'exprimer. Au final, ce qu'on achète, ce qu'on porte, dit quelque chose à propos de nous-mêmes.

Selon vous, vers quoi se dirige la mode pour hommes?

Il y a un gros retour du côté des matières traditionnellement utilisées dans les vêtements pour hommes, comme le velours côtelé ou le pied-de-poule. C'est une tendance très intéressante. Les vêtements sont aussi de plus en plus fonctionnels; par exemple, on va voir de nombreuses pièces qui sont lavables à la machine, un élément important chez Frank And Oak.

Les pièces ou tendances indispensables de la saison?

On voit beaucoup de superposition, le «cardigan par-dessus cardigan» est assurément une tendance. Selon moi, c'est une façon de s'habiller «propre», mais sans avoir à recourir au veston. Ajouter ainsi une couche de vêtements, à la fois pour le style et pour le confort, symbolise parfaitement le côté plus décontracté de la garde-robe masculine aujourd'hui. Côté couleur, des teintes comme le fauve, le beige ou le gris flanelle sont très fortes cette saison. Ah, et les bottes Chelsea en suède, comme celles que je porte!

Ce qu'il porte

- Chemise à carreaux en flanelle, 69,50 $

- Surchemise à motif pied-de-poule miniature, 89,50 $

- Jeans extensible Dylan ultraléger, 69,50 $

- Bottes Chelsea en suède bleu marine, 165 $

Brandon Svarc, Naked & Famous: «Nerd» de jeans

En 2018, l'entreprise montréalaise spécialisée en denim Naked & Famous fêtera ses 10 ans d'existence. Pour l'occasion, son fondateur Brandon Svarc se paie une boutique à New York, dans le quartier Soho, où la marque a acquis une solide réputation depuis ses débuts. Dès le printemps prochain, la collection complète y sera offerte, dont les modèles les plus flyés de la marque, qu'on peut déjà se procurer, à Montréal, dans la boutique Tate + Yoko, située dans le quartier Chabanel, et sur le web, évidemment.

Se tenant loin du côté très glamour souvent associé au monde du denim, Naked & Famous - un nom bien sûr ironique - a acquis sa réputation de «nerd des jeans» grâce à la qualité irréprochable de ses produits en denim brut japonais, à son goût pour l'expérimentation et à son approche locale et éthique sans compromis, ce qui la met sans aucun doute dans une classe à part.

Décrivez Naked & Famous en trois mots...

Brut, japonais et denim!

Ce que vous ne faites pas comme les autres...

Notre côté éthique et écoresponsable fait partie de notre ADN : nous soutenons l'économie locale puisque tout, absolument tout, est fabriqué au Canada, et nous utilisons presque exclusivement des matières naturelles: coton, lin, laine, cachemire. Et comme notre denim n'est pas prélavé, on ne gaspille aucune eau.

Côté matières, nous innovons sans cesse pour proposer des textiles vraiment uniques au monde. Finalement, nous sommes complètement à l'opposé de toutes ces marques de jeans de Los Angeles qui misent sur les célébrités, les grosses campagnes publicitaires et les jeans prélavés et prédéchirés à des prix exorbitants. On ne propose rien du genre, mais plutôt des jeans de qualité, à prix raisonnable.

Quel principe vous guide lorsqu'il est question de l'élaboration de vos collections?

Notre objectif lorsqu'on crée de nouveaux modèles, c'est de se replonger dans l'état d'esprit d'un enfant, qui n'a pas à s'inquiéter de quoi que ce soit. Un enfant s'émerveille de tout, tout éveille sa curiosité, et c'est souvent ainsi que j'approche le design. Par exemple, quand j'étais enfant, j'avais ces autocollants qui brillaient dans le noir; alors pourquoi ne pas faire des jeans qui brillent dans le noir? On a aussi fait des jeans «scratch and sniff» à odeur de menthe.

Le secteur de la mode masculine a énormément changé ces dernières années. Pourquoi, selon vous?

Il est vrai qu'on voit de plus en plus de petites et moyennes entreprises qui s'adressent à l'homme qui se taillent une place sur le marché et proposent quelque chose de différent. Les hommes ont beaucoup plus d'options que par le passé. On peut même désormais porter des jeans au travail! C'est très bon pour nous, d'ailleurs, avec nos modèles de jeans très appropriés pour un contexte professionnel.

Selon vous, vers où se dirige la mode pour hommes?

En général, je remarque vraiment un mouvement vers quelque chose de plus «clean», davantage tourné vers la qualité des matières et des coupes et moins de gros logos sur la poitrine, d'éléments graphiques voyants et de vêtements déchirés.

Les morceaux indispensables de la saison?

Pour nous, c'est toujours le denim foncé ! On voit beaucoup aussi de «denim sur denim», appelé le «Tuxedo canadien»: des jeans portés avec la chemise et le jacket en jeans. Côté coupe, même si le jeans «skinny» reste populaire, je dirais qu'on s'en éloigne quelque peu pour aller vers une silhouette plus ample. Ce qui est populaire de notre côté, c'est une silhouette plus ample au haut, mais un bas plus étroit: le pantalon a donc le look d'un jeans skinny moderne, mais avec davantage d'espace au niveau de la taille et des cuisses.

Ce qu'il porte

- Jeans stretch Puzzle Weave, 189 $ (offert en janvier 2018)

- Chemise blanche Oxford en coton, 120 $

- Ceinture en cuir de bison, 68 $

- Chemise de travail en denim noir, 168 $