Le coup d'envoi officiel du Festival Mode et Design (FMD) sera donné aujourd'hui. En attendant de pouvoir croquer à pleines dents dans cet événement mode en grande partie gratuit et qui attire année après année des milliers de personnes en plein centre-ville de Montréal, La Presse vous présente trois personnalités attendues qui parleront de leurs parcours lors du volet Conférences du FMD.

Hervé Léger-Leroux en cinq temps

Chaque année depuis le lancement de son volet Conférences, le FMD réussit à attirer des personnalités d'envergure mondiale, comme ce fut le cas notamment avec Jean-Charles de Castelbajac et Garance Doré. Cette année, la plus grosse prise du FMD est sans aucun doute Hervé Léger-Leroux. La Presse s'est entretenue avec le légendaire créateur - qui est enchanté de sa visite, sa première au pays -, question de revenir sur son parcours atypique.

Les débuts

Autodidacte, Hervé Léger-Leroux n'a jamais fait les écoles de mode. Il a plutôt abandonné ses études en arts plastiques et en histoire de l'art à Paris pour se consacrer d'abord à la coiffure, puis à la création de chapeaux. «C'était une époque où tout était plus facile, et j'avais envie d'apprendre la coiffure. Je suis très doué de mes mains et je suis capable d'en faire plein de choses; j'ai toujours eu un côté très artisan quelque part. Alors j'ai appris la coiffure, et de là les chapeaux, puis finalement la mode», relate-t-il.

Une rencontre marquante

C'est en 1981, lors d'un dîner chez des amis communs, que le créateur fait une rencontre déterminante: Karl Lagerfeld. «J'ai rencontré Karl le samedi, et le mercredi suivant, il m'a engagé. On s'est tout de suite bien entendu. Ç'a été déterminant pour moi, complètement, car avoir l'occasion de travailler avec Karl Lagerfeld, c'est quelque chose d'exceptionnel.» En plus de le faire entrer dans l'univers de la mode - il devient son assistant chez Fendi, puis chez Chanel -, Lagerfeld trouve le nom d'Hervé Léger, puisque le «vrai» nom du créateur, Peugnet, est difficile à prononcer pour les anglophones.

Une robe iconique

La marque Hervé Léger est fondée en 1985, mais c'est véritablement au début des années 90 que le créateur se fait mondialement connaître grâce à ses robes à bandes, adoptées par les top-modèles de l'époque comme Tyra Banks et Cindy Crawford. Une idée qui est partie... d'une poubelle! «Je préparais un défilé et je n'avais rien pour la finale. Je suis allé dans une usine de maille, et j'ai vu ces bandes en or et argent qui s'en allaient à la poubelle. J'en ai fait une robe en les cousant les unes après les autres», se souvient-il. Le secret du succès? «Mes robes faisaient un corps de rêve, avec un effet très gainant, mais pas moulant.»

Perte du nom

En 1999, coup de théâtre: le créateur perd le contrôle de la société Hervé Léger et, ultimement, l'usage commercial de son nom, à cause d'un différend avec son investisseur. Il a été vendu contre son gré à BCBG - qui possède toujours la marque Hervé Léger aujourd'hui. Il a été ensuite mis à la porte. Une époque sombre et difficile. «Des gens se sont emparés de mon nom et ont continué à faire du business avec mes modèles. Ça n'a pas été facile, mais moi, je voulais continuer mon métier, continuer d'exister. On a essayé de m'en empêcher, mais on n'y est pas arrivé», confie-t-il.

La renaissance

Voulant à tout prix «exister en dehors des grosses machines» et aussi sortir de la robe «bondage», le designer crée la marque Hervé L. Leroux en 2000 - une autre idée de son ami Karl Lagerfield, puisque le créateur est rouquin. Il se concentre désormais à sa nouvelle «obsession»: les robes drapées, qu'il crée sur mesure pour des vedettes comme Monica Belluci ou dans ses collections de prêt-à-porter. Encore une fois, il y sublime magnifiquement la silhouette féminine. «Je me suis en quelque sorte réapproprié le drapé. Le but reste le même: embellir la femme et mettre son corps en valeur. L'important, pour moi, c'est de faire des robes.»

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Hervé Léger-Leroux ouvrira le volet Conférences du FMD ce soir à 19 h au Musée d'art contemporain de Montréal. Tous les billets sont déjà vendus.

Photo fournie par Hervé Léger-Leroux

Le créateur Hervé Léger-Leroux viendra raconter son un parcours atypique au public du FMD.

Max Abadian: photographe de star

Max Abadian a entrepris sa carrière à Montréal en 1999. Il a photographié les plus grandes stars - Lady Gaga, Gwyneth Paltrow, Julianne Moore, Jennifer Lawrence, Cindy Crawford, Gwen Stefani - et il a collaboré avec les magazines les plus prestigieux comme Vanity Fair, Vogue, Elle.

À 15 ans, il quitte l'Iran pour l'Allemagne, puis arrive à Montréal 5 ans plus tard; il a 20 ans. C'est à l'Institut de photographie du collège Dawson qu'il étudie. Il entreprend sa carrière de photographe en travaillant pour des agences de mannequins, puis il réalise des campagnes publicitaires et collabore avec des magazines canadiens comme Flare, Châtelaine, Clin d'oeil. Ses inspirations? Les photographes Helmut Newtown, Richard Avedon et Guy Bourdin.

«J'ai eu la chance de réaliser une session de photographies avec [Lady Gaga] pour le magazine Flare. Elle portait du Jean-Paul Gaultier. C'était en 2009, juste avant qu'elle ne devienne une mégastar. Elle a utilisé une photo pour un de ses albums et elle a aussi fait partie de l'exposition sur Jean-Paul Gaultier qui a fait le tour du monde [l'exposition créée par le Musée des beaux-arts de Montréal dont le commissaire est Thierry-Maxime Loriot]. C'est certain que ça m'a ouvert des portes et m'a donné une notoriété à travers le monde», explique Max Abadian.

Il confie avoir beaucoup aimé travailler avec Cindy Crawford. «Elle est très professionnelle, et mes discussions avec elle sur Helmut Newtown et Richard Avedon, avec qui elle a eu la chance de travailler, ont été un vrai plaisir», dit-il.

Ce qui a changé depuis ses débuts dans l'industrie de la mode? «La vitesse, tout va très vite, on doit s'adapter, pas seulement au niveau de la technologie, mais socialement aussi, car les équipes sont plus grandes qu'avant. Lors d'une session de photos, tout le monde exprime son point de vue maintenant, car on voit le résultat instantanément, ce qui n'était pas le cas avant l'ère numérique! Avec les médias sociaux, les stars contrôlent de plus en plus leur image, ce qui constitue un véritable travail, car elles sont connectées avec le reste du monde en tout temps et envoient des photos. Les stars savent ce qu'elles veulent et il faut travailler en équipe», confie le photographe.

Un conseil? «Le talent, à mon avis, c'est 50 % ou 60 % du succès, et la personnalité fait le reste. Il faut plus que jamais savoir travailler en équipe, écouter les autres et faire des compromis. En tout cas, ç'a fonctionné comme ça pour moi!», s'exclame le photographe de 49 ans, qui vit à Montréal avec sa femme et leurs trois enfants. «Même si je voyage beaucoup entre New York, Los Angeles et Londres, ma maison, ma famille et mon studio de photo sont à Montréal.»

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La conférence avec Max Abadian est le 17 août, à 18 h.

Photo Max Abadian

Gwyneth Paltrow

Jérôme Gautier: la photo de mode, d'éphémère à intemporelle

Auteur et journaliste, Jérôme Gautier est un grand passionné de la mode. Son médium de prédilection? Les photographies de mode publiées dans les magazines féminins, qu'il collectionne depuis l'adolescence. Collection qu'il a passée au peigne fin pour trouver l'essentiel du matériel de ses deux ouvrages consacrés à Dior et à Chanel. La Presse l'a joint en France pour en apprendre davantage sur lui et sur sa démarche.

Vous avez publié à ce jour deux ouvrages consacrés à deux grands noms de la mode: Chanel: The Vocabulary of Style, en 2011, et votre plus récent, Dior: New Looks, publié en 2015. Votre démarche est intéressante, car elle s'éloigne du traitement chronologique. Pourquoi?

Je n'ai pas du tout travaillé de manière chronologique, en effet. Ce que je trouvais intéressant pour des grands noms comme Dior et Chanel, c'est que s'ils sont aussi mythiques aujourd'hui, c'est qu'ils ont résisté au temps. J'aime travailler sur la temporalité dans la mode; elle est soumise à la temporalité, aux tendances de la saison, de l'année, voire de la décennie. Mais quand un nom comme Chanel ou Dior dure au-delà - Dior a eu 70 ans récemment -, c'est qu'il y a quelque chose de beaucoup plus fort. De le traiter chronologiquement, ça les ramène à quelque chose de temporel alors que finalement, ça dépasse le temps.

Votre matériel de départ pour ces ouvrages est le même: les photographies de mode publiées dans les magazines au fil du temps. Pourquoi ces photographies sont-elles si porteuses à votre avis?

Ce que j'aime bien en prenant des photos dans les magazines de mode, c'est qu'elles ne sont pas faites pour durer à l'origine. Mais il y a des photos qui demeurent car elles dépassent [leur époque] par leur caractère artistique, l'attitude du mannequin, l'atmosphère, le travail du photographe... Ce que je trouve intéressant - et que j'essaie de faire dans mes livres - c'est de mélanger les époques, de montrer une photo des années 40 qui «matche» avec une photo d'aujourd'hui parce qu'il y a un vêtement qui se ressemble ou que la mannequin a une attitude similaire, par exemple. Je trouve que ça «casse» la temporalité de l'image et de la mode.

Vos recherches se font presque exclusivement à partir de votre impressionnante collection de magazines de mode, qui compte environ 8000 ouvrages et que vous constituez depuis l'âge de 15 ans. Comment est née cette passion?

Comme beaucoup de passion et de collections, sans d'abord avoir conscience que c'en est une! Un jour, j'ai été en arrêt devant un magazine. C'était un Vogue français; je l'ai trouvé sublime, ce magazine, de la couverture jusqu'à toutes les séries de photographies mode à l'intérieur. Le mois d'après, j'ai voulu le numéro suivant, et ainsi de suite. D'abord, c'était les magazines français, puisque j'habitais un petit village à la campagne, où je n'avais pas accès aux magazines étrangers. Puis j'ai découvert après qu'il existait un Vogue américain, anglais, le Harper's Bazaar américain... C'est comme ça que c'est devenu exponentiel!

Normalement, nous jetons nos magazines après utilisation!

C'est vrai que les femmes, souvent, les lisent et les jettent, car la mode est changeante, donc à quoi bon? Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est d'abord le caractère artistique, l'aspect photographique des magazines, les mannequins et toute cette mise en scène. On peut montrer la mode de mille et une façons; les magazines produisent des images qui vont au-delà de la simple photo de mode, avec une ambiance, un univers... une histoire, quoi. C'est le caractère narratif que je trouve intéressant, et la représentation de la mode à travers la photographie.

Comment procédez-vous pour sélectionner les photos qui constituent vos ouvrages?

Mes recherches se font presque exclusivement à partir de ma collection. Quand je travaille sur un livre, je relis tous les magazines que j'ai et je sélectionne ainsi des photos. Il faut aussi que la photo renvoie à une idée que l'on se fait de la marque; pour Dior, par exemple, les grandes jupes corolle, le look du soir ou le caractère floral... Il faut que la photo déclenche quelque chose. Je scanne comme ça des centaines, voire des milliers de photos, puis je les classe par thèmes que je trouve intéressants. J'essaie d'être le plus rigoureux et minutieux possible.

Vous qui êtes un observateur pointu de la mode, quel regard portez-vous sur celle qui se fait aujourd'hui? Vous y intéressez-vous?

Ce que je trouve intéressant, c'est qu'on est beaucoup dans l'inspiration aujourd'hui. En lisant les images d'hier mélangées à celles d'aujourd'hui, on voit que la mode d'hier a encore du sens. J'aime donc beaucoup regarder les magazines actuels, mais avec toujours à l'esprit ceux d'hier pour y capter les différentes inspirations au niveau des vêtements, mais aussi de la photographie et des mannequins.

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Jérôme Gautier donnera une conférence le 17 août à 10 h à la galerie Never Apart. Les billets sont en vente au coût de 20,25 $.

Photo fournie par Jérôme Gautier

Le journaliste et auteur Jérôme Gautier sera de passage au Festival Mode & Design pour donner une conférence sur son travail.

Le festival en bref

Organisé par le Groupe Sensation Mode, le Festival Mode & Design prend de l'ampleur année après année. Après avoir occupé la rue McGill depuis ses débuts, le FMD a déménagé ses pénates en 2014 sur la place des Festivals, profitant d'un site plus grand et convivial. Voici de quoi sera fait le festival cette année.

> 16e édition

> 6 jours

> 500 000 visiteurs attendus

> 2 scènes extérieures

> 37 défilés de grandes marques 

> 21 défilés de créateurs émergents

> 80 designers montréalais

> 15 conférenciers internationaux

> 30 boutiques pop-up

> 75 mannequins

> 7 artistes qui offriront des prestations musicales

> 1 film en avant-première