C'est dans un «jardin des délices» que Christian Dior a présenté lundi à Paris une collection haute couture à l'inspiration médiévale avec des gilets en cotte de maille, tandis le défilé Schiaparelli revisitait avec subtilité les codes de la mythique maison, pour un style à l'«extravagance mesurée».

Dior: inspirations flamandes

Le directeur artistique de Dior, le Belge Raf Simons, qui aime mêler les références historiques, s'est inspiré des maîtres flamands pour cette collection automne-hiver 2015-2016, dont les modèles défilent les cheveux détachés et sans maquillage apparent.

Les silhouettes sont d'une grande pureté, avec des grandes robes blanches virginales, de larges manteaux-capes en cachemire aux manches asymétriques, bleu cobalt ou bordeaux.

Le défilé s'est tenu dans une incroyable structure aux vitraux pointillistes, installée dans le jardin du Musée Rodin. De gros fruits colorés parsèment la moquette mauve. «J'étais intrigué par l'idée de fruit défendu et par ce que cela peut signifier de nos jours. Comment l'idée de pureté et d'innocence s'oppose à celle d'opulence et de décadence», explique Raf Simons dans un communiqué.

Les motifs impressionnistes sont tantôt peints à la main sur les robes, tantôt faits d'assemblages de plumes.

Les robes, sont tantôt très New Look avec la taille cintrée, tantôt longilignes ou courtes, souvent portées avec un petit gilet sans manche ou un gilet en cotte de mailles. Des tuniques, plus audacieuses, sont ouvertes sur les côtés, simplement retenues par des chaînettes dorées.

L'extravagance chic de Schiaparelli

Rose choc, vestes aux épaules marquées, initiales ES: les codes de Schiaparelli sont bien au rendez-vous de la première collection haute couture du nouveau directeur du style, Bertrand Guyon. Bienvenue au «Théâtre d'Elsa»: le décor est un clin d'oeil aux théâtres parisiens des années 30. Les 36 silhouettes portent des titres de pièces comme «N'écoutez pas Mesdames» de Sacha Guitry ou «L'impromptu de Paris» de Jean Giraudoux.

Le fameux rose qui était la signature d'Elsa Schiaparelli, grande rivale de Chanel, se retrouve sur des talons, un chemisier lavallière, des fourrures, une robe à traîne. D'autres couleurs vives, jaune et rouge, ponctuent la collection qui chatoie avec des tissus brochés et du brocart.

Ancien de Valentino, le créateur français Bertrand Guyon a rejoint en avril la griffe légendaire, qui a fait son retour sur les podiums en janvier 2014, après une pause de près de 60 ans.

Il a expliqué s'être inspiré au départ d'Elsa Schiaparelli elle-même, quand elle était jeune, avant l'ouverture de sa maison de couture en 1935 place Vendôme. C'est là qu'avait lieu le défilé, auquel assistait la vedette américaine Meg Ryan.

«Ce qui m'intéressait, c'était ces silhouettes que l'on connaît un peu moins avec une austérité, une simplicité aussi, qui n'est pas l'image qu'on a spontanément d'Elsa Schiaparelli. Et en même temps le contraste avec l'extravagance qu'elle a quand même au fond d'elle-même», commente Bertrand Guyon.

«Elle était probablement une femme plutôt réservée, plutôt timide, mais avec le sens du théâtre, de l'extravagance mais toujours mesurée et chic», fait-il valoir.

Noir et blanc, jupe-culotte, tweed et écossais confèrent une certaine rigueur, qui s'enhardit d'éclatantes broderies et de rapièces de fourrures colorés, inspirés d'artistes comme l'Australien Leigh Bowery. Un perfecto et une jupe-culotte en organza lamé font référence à une cape en «rhodophane» créée par Schiaparelli.

Les clins d'oeil «schiaparelliens» ne cessent de revenir comme une ponctuation: le poudrier en forme de cadran téléphonique dessiné par Dali, les motifs chers à «Schiap»: le soleil, les étoiles, le coeur transpercé, le cadenas.

«Bertrand a capté vraiment l'essence de Schiaparelli», a estimé la réalisatrice et ancienne mannequin Farida Khelfa, ambassadrice de la griffe. «Ça se voit dans les vêtements, les broderies, le rapport des couleurs, la fourrure, le tartan, la cape, ça c'est vraiment l'univers schiaparellien!»