Avant le début des festivités sur la Croisette, Dior a présenté lundi soir son défilé croisière dans l'extravagance futuriste du Palais Bulles de Pierre Cardin, près de Cannes, un spectacle illustrant l'importance capitale de ces collections intersaisons dans le calendrier de la mode.

Quelques jours après les défilés Chanel et Louis Vuitton, qui ont emmené le monde de la mode respectivement à Séoul et Palm Springs en Californie, le directeur artistique de Dior Raf Simons a choisi l'architecture organique et tout en rondeurs de cette résidence construite dans les années 70-80 par l'architecte hongrois Antti Lovag, surplombant la baie de Cannes.

Dans ce paysage du Sud de la France si cher à Christian Dior, le créateur belge a aussi puisé dans l'architecture de l'inventeur du «New Look» en revisitant le fameux tailleur «Bar», avec sa veste à basque et taille accentuée.

Mais si les coupes s'inspirent de celles du fondateur de la maison, les tissus sont plus légers et les jupes, courtes pour la plupart, accompagnent la démarche avec fluidité. Les bottines, pointues et à lacets, peuvent évoquer «Marie-Antoinette mais aussi une punkette new-wave des années 80 ou 90», commente Raf Simons.

«La silhouette est aussi un mélange, à la fois très Christian Dior mais avec une forte référence au vêtement fonctionnel, à ce que les artistes portent dans leur atelier», souligne encore le créateur. Des motifs à carreaux, vichy, pied de poule, de différentes couleurs, se superposent sur des ensembles courts.

Le défilé, suivi dans la soirée d'un feu d'artifice au-dessus de la mer, s'est tenu devant quelque 250 personnes, clientes et journalistes, ainsi que des célébrités comme Chiara Mastroianni ou Marion Cotillard, égérie de la maison qui sera en compétition à Cannes dans une adaptation de Macbeth.

Le propriétaire des lieux, Pierre Cardin, a lui aussi assisté au défilé de la maison où il a commencé sa longue carrière, en 1947: «J'ai été le premier employé de la maison Dior!», rappelle le couturier de 92 ans. «Voir après tout ce temps Dior venir défiler chez moi, c'est une délicatesse qui me touche beaucoup».

Soif de nouveauté

À l'origine conçues pour les riches clientes américaines séjournant dans des lieux de villégiature ensoleillés pendant les mois d'hiver, et destinées à être livrées en octobre-novembre, les collections croisière sont devenus des rendez-vous incontournables pour l'industrie.

Elles permettent de faire le relais entre les traditionnelles collections printemps-été et automne-hiver présentées lors des Fashion Weeks de septembre et mars, répondant à une soif permanente de nouveautés à une époque où les réseaux sociaux bousculent les rythmes.

Présentes plus longtemps en magasin, ces pré-collections peuvent représenter jusqu'à 70% des ventes pour les marques.

«Une maison comme la nôtre a une base de clientèle en prêt-à-porter extrêmement importante, qui visite nos boutiques fréquemment, et qui demande «What's new?»», explique le PDG de Dior, Sidney Toledano.

Autrefois réservée à un public d'acheteurs, la présentation de ces pré-collections est désormais une occasion majeure de communiquer pour les grandes maisons, qui investissent sans compter dans ces défilés aux cadres exotiques.

«On les fait hors de Paris parce que c'est l'occasion de passer plus de temps avec nos clients, poursuit Sidney Toledano. Et avec la presse, c'est plus cool qu'à Paris où il y a des défilés toutes les heures».

Après de précédentes collections croisière présentées à Monaco et Brooklyn, Cannes, précieuse vitrine pour les marques de luxe et leurs égéries sur tapis rouge, était une destination idéale pour Dior. La marque a aussi présenté en décembre à Tokyo une autre pré-collection, «pre fall» (automne), rendez-vous qui a vocation à devenir annuel.

Si seuls les poids lourds de la mode peuvent se payer le luxe d'organiser de tels défilés, de nombreux créateurs de taille moindre proposent des pré-collections. Le British Fashion Council, organisateur de la Fashion Week londonienne, a annoncé récemment le lancement en juin d'une initiative destinée à les promouvoir.