À peine revenu dans le monde de la mode, le tumultueux John Galliano refait parler de lui: sa décision de présenter son défilé pour Maison Margiela en janvier à Londres a été aussitôt sanctionnée par les organisateurs des défilés parisiens de haute couture qui l'ont déprogrammé.

L'ancien couturier de Dior, nommé directeur artistique chez Maison Margiela en octobre après trois ans et demi de disgrâce à cause de ses propos antisémites dans un café parisien, a choisi de présenter «de façon exceptionnelle» sa collection haute couture le 12 janvier dans la capitale britannique.

Le défilé, très attendu, était initialement prévu dans le programme de la semaine de la haute couture à Paris, du 25 au 30 janvier.

La raison de ce choix iconoclaste, la griffe l'explique par des motivations d'ordre «personnel», un retour aux «origines» pour le couturier britannique qui a fait ses études et commencé sa carrière à Londres, mais aussi par la tradition des tailleurs londoniens de Savile Row.

Mais la primeur donnée à la capitale britannique a entraîné un retour de bâton immédiat: la Fédération française de la couture a retiré le défilé de son calendrier.

«C'est l'application des règles. Dans le calendrier de la couture ne sont présentées que des collections inédites, qu'on n'a pas vues avant», a expliqué jeudi à l'AFP Stéphane Wargnier, président exécutif de la Fédération française de la couture. «Puisque cette collection ne sera plus inédite, puisqu'elle aura été vue à Londres, elle ne peut pas être présentée dans le cadre du calendrier», a-t-il ajouté.

Ce défilé qui marque le grand retour sur les podiums du flamboyant couturier, âgé de 54 ans, sera présenté devant une centaine de personnes, au moment des défilés de la mode masculine à Londres.

Anna Wintour en Margiela

John Galliano avait déjà fait à Londres une apparition remarquée le 1er décembre lors des British Fashion Awards, récompenses de la mode britannique, en remettant un prix à la rédactrice en chef de l'édition américaine de Vogue, Anna Wintour. Signe de son soutien, cette dernière était vêtue d'une robe Margiela.

La collection haute couture de Margiela sera donc visible à Paris, «sur rendez-vous», pendant la semaine de la haute couture, mais hors programme officiel.

La maison fondée à Paris en 1988 par le créateur belge Martin Margiela, jouit depuis décembre 2012 de l'appellation «haute couture», une dénomination spécifiquement parisienne répondant à des critères précis, délivrée par le ministère de l'Industrie chaque année.

«D'après ce que nous avons compris des intentions de la Maison Margiela, c'est visiblement exceptionnel, donc pour le moment il n'y a pas de conséquence autre que le fait de ne pas être dans le calendrier cette saison», a indiqué Stéphane Wargnier.

La maison doit présenter également à Paris sa collection de mode masculine en janvier, puis de prêt-à-porter en mars. «On sera enchanté si demain ils sont à nouveau à leur place» au prochain calendrier de haute couture en juillet, a-t-il ajouté.

La nomination de John Galliano avait été annoncée en octobre par l'Italien Renzo Rosso, président du groupe OTB («Only The Brave»), qui détient Maison Margiela, aux côtés d'autres labels comme Diesel, Marni, Viktor&Rolf.

Cette désignation avait mis fin à trois ans et demi de traversée du désert pour Galliano, licencié par Dior en 2011 après des propos antisémites tenus sous l'emprise de l'alcool dans un bar parisien, lors de deux incidents. À la suite de cette affaire qui avait créé la consternation, il avait été condamné par le tribunal correctionnel de Paris en septembre 2011 à 6000 euros d'amende avec sursis.

En quinze ans chez Dior, le Britannique a exprimé une fantaisie et une énergie créatrice hors du commun, orchestrant des défilés somptueux et extravagants. Le monde de la mode attend avec impatience de découvrir son travail chez Margiela, maison connue pour cultiver un certain anonymat -goût du secret de son fondateur, personnel habillé en blouse blanche- et pour son avant-gardisme.