Traditionnellement pendant une Fashion week, les mannequins défilent sans un regard et sans un mot. Mais sept d'entre elles ont fait de leurs souvenirs un étonnant spectacle à New York.

L'idée est venue d'Olivier Saillard, directeur du Palais Galliera, le musée de la mode de Paris, qui créé depuis 2005 un spectacle pour chaque semaine de la mode parisienne.

Il avait cette fois transporté ses valises à New York, des valises vides de vêtements, mais pleines de souvenirs de couturiers et vêtements fabuleux, pour ce spectacle présenté pour la première fois lundi soir, à l'invitation du festival Crossing The Line.

Aux Studios Milk, près de la High Line dans l'ouest de Manhattan, dans un décor blanc immaculé, les sept anciens mannequins, en justaucorps noir et talons aiguille, miment et racontent les vêtements qu'elles ont portés et les créateurs qu'elles ont inspirés.

Anne Rohart, Charlotte Flossaut, Axelle Doué, Christine Bergstrom, Claudia Huidobro, Amalia Vairelli et Violeta Sanchez ont été un temps les muses d'Yves Saint Laurent, Thierry Mugler, Jean-Paul Gaultier ou encore Sonia Rykiel. Elles ont travaillé pour Dior, Comme des garçons, Martin Margiela pour Hermes, Christian Lacroix pour Jean Patou...

Elles miment avec des gestes souples, souvent avec humour, les séances d'essayage, les ajustements, les défilés: des pas minuscules pour une extraordinaire robe de John Galliano pour Dior, une marche quasi militaire pour Comme des garçons.

Elles racontent, en petites phrases poétiques les remarques des couturiers, les robes et tissus fabuleux, les coupes des vêtements, les perles, les plumes, et les plaisirs associés.

«C'était une tellement belle robe, tout le monde s'est levé pour m'applaudir», se souvient l'une d'elle à propos d'une robe du soir d'Yves Saint Laurent.

Elles recadrent la rêverie en précisant les années: «Yves Saint Laurent automne-hiver 1984»; «Jean-Paul Gaultier 1998»; «Comme des garçons 1983».

Entreprise de dénuement

Leurs mains légères glissent sur le corps pour mimer un smoking, une longue robe du soir, un grand pull confortable.

Mais aucun vêtement dans ce décor immaculé, et c'est cette idée qui a séduit Olivier Saillard, dans le cadre de ce festival organisé par la FIAF (French Institute Alliance française).

«C'est un peu une entreprise de dénuement, plutôt que de faire des vêtements, on enlève les vêtements pour aller au coeur de ce squelette qu'est la mode, un squelette toujours intéressant», a-t-il expliqué à l'AFP après le spectacle.

«C'est un miroir critique, poétique, mais jamais à charge» et complètement libre, ajoute-t-il.

Pour lui, rien de plus naturel que d'avoir fait appel à d'anciens mannequins pour ce spectacle intitulé Models never talk (Les mannequins ne parlent jamais).

«Ce sont des filles qui ont été les premières à habiter ces vêtements qui sont restés dans la mémoire collective. Je trouvais que c'était justice leur rendre que de leur redonner la parole» explique-t-il.

Mais il fallait d'abord trouver les bons souvenirs, les tester, les resserrer, une tâche difficile.

«C'est comme dans une bonne et une mauvaise collection, il y a des souvenirs qui marchent et d'autres qui ne marchent pas», dit-il. «Il fallait que l'ombre du vêtement soit très parlante».

Certains anciens mannequins avaient peur aussi. Car il leur fallait parler sur scène, elles qui dans leur ancien métier «n'avaient été que dans l'apparence».

Mais la magie opère. Grâce au mime et au phrasé, le spectateur en vient presque à voir le vêtement évoqué et l'ombre de son créateur.

Très applaudi jeudi, le spectacle se produira à nouveau à Paris, dans le cadre du Festival d'automne.