On aurait pu penser que les sacs à main Christopher Kon sont le fait d'un seul homme. Mais ce n'est pas tout à fait le cas. Derrière ce nom se cache toute une famille, tissée bien serrée comme on les fabrique en Grèce...

Le look décontracté d'un surfer, Christopher Kon nous accueille à ses bureaux d'une poignée de main franche. Sur les murs, des pans complets de sacs à main de toutes les formes et de toutes les couleurs. Bienvenue au royaume de la sacoche!

Cet accessoire pour dames, l'entrepreneur de 37 ans l'a embrassé en venant au monde. À l'âge où la majorité des enfants bricolent avec des ciseaux à bouts ronds, Christopher, lui, dessinait déjà des sacs à main. Pour comprendre cette vocation précoce, il faut se reporter en Grèce, quelques décennies plus tôt...

Le patriarche

Dans un village du nord du pays, un petit garçon ambitionne de brasser un jour de grosses affaires. Nicolas Kontogianis n'a pas encore de poil au menton, mais il a la bosse des chiffres et beaucoup d'ambition. À 15 ans, il quitte sa patrie et s'installe à Montréal où il trouve rapidement du travail dans un atelier de fabrication de sacs à main.

Son rêve de se lancer à son compte n'est pas resté sur le feu bien longtemps. Trois ans plus tard, il achète deux machines à coudre et commence à fabriquer des articles en cuir dans son sous-sol. Puis, à 24 ans, il fonde sa propre entreprise, Zenith, qui produira éventuellement pour de grandes chaînes telles que French, Browns et Neiman Marcus.

L'entreprise comme l'homme feront des petits. Christof voit le jour. «À sa naissance, raconte le patriarche, l'oeil pétillant, je me suis dit: s'il veut être dans la business un jour, l'entreprise pourra s'appeler Christopher Kon. Ça sonnait bien!» Et ainsi sera-t-il, deux décennies plus tard.

Une pomme tombée tout près de l'arbre

Sur ce parcours tracé d'avance, le jeune Christof fait un petit détour. Au cégep, il sèche toutes ses classes, sauf ses cours d'arts dans lesquels il excelle. Après son deuxième trimestre, la direction appelle pour signaler le problème. «Ils m'ont dit: dans la vie, on ne fait pas toujours ce qu'on veut, raconte le designer. Je leur ai répondu: c'est peut-être le cas pour vous!»

Ce qu'il veut est un concept encore flou, mais il a la certitude qu'il gagnera sa vie grâce à sa créativité. Il quitte l'école à 18 ans et commence à vendre chez Johnny Farah, designer new-yorkais pour qui son père dessine des patrons et fabrique des articles de maroquinerie. L'artiste aura une grande influence sur son parcours. «Il était de tous les événements créatifs. Il m'a introduit à un univers artistique dans lequel je me suis enfin senti à ma place».

À 21 ans, il appelle son père. Il sait ce qu'il veut faire de sa vie: du dessin de mode! Le père ne fait ni une ni deux, empoigne le téléphone pour demander à son avocat d'enregistrer le nom de l'entreprise. Et ainsi renaît Christof, devenu Christopher Kon.

Le cuir dans la peau

La première collection de Christopher remporte un franc succès au Salon d'accessoires (ATS) de New York, en 2000. Dans les années qui suivent, il attire l'attention des médias. Ses sacs sont aussi adoptés par des célébrités telles que Nicole Kidman, Sarah Jessica Parker, Nicole Richie, Mitsou et Céline Dion.

Dans l'ombre de ce succès, le clan. Son père pilote les opérations de tous les jours et Terri, sa soeur, dirige le bureau et s'occupe du service à la clientèle. «C'est un travail de groupe, explique Christopher, qui assure la conception et le marketing. Jamais je n'ai l'impression d'être seul dans ce bateau.» Récemment, la femme du designer a aussi joint les rangs et travaille à développer le marché québécois: 90% de la création est présentement vendue aux États-Unis et seulement 10%, dans l'ensemble du Canada.

«Le monde de la mode est difficile et compétitif. Notre défi est de continuer à faire des produits de qualité et de les offrir à un prix honnête», dit Christopher. Jusqu'en 2006, la fabrication des sacs se faisait à Montréal. Celle-ci a dû être transférée en Chine. «Ça nous a aidés à sortir la tête de l'eau à un moment difficile». À la même époque, Zenith, l'entreprise de Nicolas, a été délaissée au profit de la marque Christopher Kon sur laquelle tous les efforts sont mis désormais.

«Nos créations sont épurées, mais il y a toujours un détail qui les distingue- une boucle, un tressage, une fermeture éclair...» Avec la deuxième génération à sa tête, la maison devient de plus en plus audacieuse. Qu'en dit le pater? Il respire un peu, savoure le moment. «Mais je serai ici aussi longtemps que je pourrai marcher!», s'empresse-t-il d'ajouter. Le cuir dans la peau, disait-on...