Le 24 janvier dernier, Rad Hourani, 30 ans, est entré dans l'histoire. Premier Canadien à intégrer le club très select de la haute couture, à Paris, le jeune créateur québécois à la tête des griffes Rad by Rad et Rad Hourani est devenu un phénomène de mode exceptionnel. Et bien de chez nous.

«C'est à Montréal que ma personnalité s'est construite», dit Rad Hourani, qui a établi l'atelier de production de sa griffe prêt-à-porter Rad by Rad dans le Mile End. Né en Jordanie, arrivé à Montréal à l'adolescence, il est devenu un citoyen du monde, pour employer un cliché. Depuis l'âge de 23 ans, il partage sa vie entre Paris, New York et Montréal, où sa famille vit toujours. C'est d'ailleurs ici qu'il a prévu célébrer le cinquième anniversaire de sa marque, au cours d'un événement comprenant une expo-installation de vêtements, de photos et de projections vidéo - deux autres de ses passions. Ce sera un retour remarqué pour l'enfant prodigue (et prodige!) qui a réalisé un premier tour de piste impeccable sur les podiums de la haute couture française.

Une signature unique

À deux jours de la présentation de sa première collection haute couture, Rad Hourani travaille sans relâche dans sa microgalerie du 3e arrondissement à Paris. Fébrile, il nous confie alors: «Je ne vis que pour ça depuis trois mois, jour et nuit. C'est épuisant et si stimulant... La pression est forte. En haute couture, les modèles doivent répondre à des normes extrêmement strictes.» Par exemple, chaque vêtement doit être une pièce unique, c'est-à-dire 100% originale, confectionnée sur mesure, à la main, et conçue dans les ateliers par un créateur permanent avec un nombre minimal de personnes.

Pour ajouter à la pression, Rad Hourani est le premier Canadien à intégrer ce club très select, alors que sa carrière de créateur a pris son envol il y a cinq ans à peine. Un exploit qui n'est sans doute pas étranger à sa signature, hors normes et unique. «Je crée des modèles parfaitement unisexes, que je veux indémodables car intemporels, réversibles, symétriques, modulables et transformables.» Jeanne Beker, célèbre journaliste de mode canadienne, souligne: «Rad a une vision et n'en déroge pas. Il ne fait aucun compromis et déjà, en cela, il est exceptionnel!» Créateur visionnaire, travailleur acharné, Rad Hourani peut aussi compter sur son talent brut, jugé exceptionnel.

Jusqu'au firmament

Chaque année, les 12 maisons dotées de l'appellation «haute couture» - dont les célèbres Chanel, Dior, Gaultier - se réunissent et votent afin d'élire les griffes qualifiées de «membres invitées». Ces membres intégreront le prestigieux calendrier de la semaine de la mode parisienne. C'est ainsi que Sidney Toledano, PDG de Dior Couture, est devenu le «parrain» de Rad Hourani.

Puis, le 24 janvier, au Centre culturel canadien à Paris, 22 silhouettes s'animent. Femmes? Hommes? Les modèles parfaitement unisexes, blancs, noirs ou bicolores, défilent sous les yeux d'une assistance captive, dans un esprit de parfaite symétrie. Un parti pris fort au point de frôler le risque, mais qui tape dans le mille d'une esthétique rigoureuse, avec un semblant d'austérité.

Les habituelles superpositions, dada du créateur, sont devenues trompe-l'oeil. Les cols se font doubles ou triples, à l'instar des manches et du bas des vestes, longues ou courtes. Les matières, luxueuses, puisent dans l'apanage de la «tradition haute couture»: crêpe de soie, cuir, satin «duchesse de soie» qui double l'intérieur des vestes.

Présents à l'événement, Michel Brisson, propriétaire des boutiques du même nom, Jeanne Beker, Thierry-Maxime Loriot - commissaire de l'exposition Jean Paul Gaultier au Musée des beaux-arts de Montréal -, Herby Moreau ou encore Didier Grumbach, président de la Fédération française de la couture, tous sont unanimes: la collection est (d)étonnante. Rad Hourani savoure ce moment «presque irréel», la tête dans les étoiles parisiennes et les pieds bien sur terre. Le Québec n'a pas fini de le voir grandir.

Photo fournie