Il fut un temps où la bienséance voulait que la femme vertueuse chemine nue sous ses jupes, la culotte étant réservée aux hommes, aux courtisanes, aux vieilles dames et aux domestiques (qui devaient s'agenouiller pour nettoyer les carreaux).

Au milieu du XIXe siècle, le port de la crinoline est un art qui comporte quelques risques. Aussi les femmes de la haute société revêtent-elles des caleçons de laine sous leurs cerceaux, ce qui leur évite de dévoiler, en renversant leur robe, leurs jambes et leur intimité. En 1918, Étienne Valton, d'un coup de ciseau, «invente» la petite culotte de coton blanc, ceinturée à la taille par un élastique, plutôt qu'une boutonnière. Confortable et hygiénique, ce «sous-vêtement» est toujours commercialisé, sous le nom de Petit Bateau.

Jusqu'au 20 février, la micro-exposition Culottées, présentée au Musée de la Femme, situé au quatrième étage d'un centre commercial, à Longueuil, raconte en accéléré cette histoire de moeurs, celle des dessous féminins. Pour Lydie Olga Ntap, la fondatrice du musée, ces bouts de tissu sont des parures que les femmes se sont appropriées au fil de l'évolution de leur condition, gagnant en liberté de mouvement en même temps que de parole. Une illustration de la transformation des rapports entre les sexes et des normes de beauté.

Ce que l'exposition réussit le mieux à faire voir, toutefois, c'est que la lingerie est l'un des derniers refuges de la pudeur. Qui tient sur le fil ténu entre ce que l'on veut dévoiler et ce que l'on garde pour soi.

C'est la réflexion à laquelle nous convie Les petites culottes d'Hippolyte, projet de la photographe lyonnaise Chloé Prigent, dont un extrait est présenté dans la troisième partie de l'exposition.

Depuis 2011, l'artiste travaille sur une série de portraits de femmes, des inconnues pour la plupart, en petites culottes. De face, mais sans visage. Sans artifice non plus, ni jeu sur les rondeurs. Chacune d'elle choisit son décor et sa tenue. La rencontre dure une dizaine de minutes, le temps de soulever sa jupe ou de baisser son pantalon. Elles le font pour des raisons qui n'appartiennent qu'à elles - et qui demeureront secrètes. Le langage du corps, parfois, trahit leur personnalité. On trouve des indices dans la posture, la pose, le déhanchement. Une audace dans la mise en scène, dans le choix de la culotte. On se demande si nous, on aurait eu le culot.

D'ailleurs, le jour du vernissage de Culottées, Lydie Olga Ntap avait convenu de se faire «photoculotter» par Chloé Prigent. Au moment de retrousser sa robe, elle s'est figée, puis s'est désistée. Montre-moi ta culotte et je te dirai qui tu es? Les dessous, au final, révèlent peut-être autant qu'ils dissimulent.

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