Mad Men, série-culte depuis 2007, inspire les plus grands créateurs de mode. Derrière ce stylisme savamment vintage, qui embrase littéralement la planète, se cache une femme: la styliste Janie Bryant. Nous l'avons rencontrée.

Ses silhouettes ont déjà inspiré un nombre incalculable de collections: Prada, Miu Miu, Hermès, Gucci, Louis Vuitton... Le retour du pantalon cigarette, du cardigan près du corps, des robes aux genoux, du costume trois pièces qu'on s'arrache partout dans le monde, c'est Mad Men, donc c'est elle!

Plus personne ne doute que Janie Bryant soit devenue l'une des personnalités les plus influentes de la mode.

Retour sur images. En 2005, Janie récolte son premier Emmy de la meilleure costumière pour la remarquable série Deadwood, campée à l'époque de Calamity Jane et des chercheurs d'or, pour ses robes fastueuses du temps de la conquête de l'Ouest. Il n'est guère étonnant que Matthew Weiner, créateur de Mad Men, l'ait choisie, mais c'est avec une modestie non feinte qu'elle appréhende son travail. «Quand j'ai rencontré Matt, j'ai tout de suite su que ça allait coller entre nous, et surtout que Mad Men serait une série incroyable. Je dois avouer que je suis absolument soufflée par la puissance de la télévision.»

Alimenter chaque semaine les téléspectateurs de la chaîne AMC en tenues qui vont des années 50 (saison 1) à 1966 (saison 5, en cours) est-il un travail ardu? «Plutôt un immense plaisir», selon cette passionnée de toujours qui avoue courir les puces de luxe sixties de Los Angeles et se délecter de cette plongée dans une cinéphilie qui croise Katharine Hepburn et Brigitte Bardot, pour ne citer qu'elles.

«À la lecture du scénario, je visualise instantanément les looks des personnages. Ensuite, c'est un travail main dans la main avec l'équipe, puis avec mes aides-designers, et enfin les couturiers», confie Janie Bryant, totalement obsédée par le détail qui fait toute la différence.

Mais comment expliquer l'impact retentissant et sans précédent de ces silhouettes des années 60 à l'échelle planétaire? Danielle Martin - créatrice de la griffe québécoise Martin Lim et chargée de cours à l'UQAM - répond: «Mad Men satisfait un besoin inné de nostalgie. Et surtout, tout y est très juste, authentique, des dos de corsage amples de l'époque aux décolletés bien moins plongeants qu'aujourd'hui, à la longueur des jupes aux genoux. En somme, l'ensemble des ingrédients d'un glamour sexy, qui suggérait bien plus qu'il ne dévoilait.»

Afin de parfaire ses personnages, Janie Bryant puise dans les magazines de mode de l'époque, mais aussi dans le septième art: Hitchcock, Chabrol, Billy Wilder... Pour le héros Don Draper, elle s'inspire à la fois de Gregory Peck et de Cary Grant. «Don incarne le mystère et la masculinité, dit Janie Bryant. Il est donc intangible dans son style, minimaliste et élégant, ce que symbolisent le costume sombre, la chemise blanche et la cravate noire.»

Quant à Megan, sa nouvelle femme (interprétée par la Montréalaise Jessica Paré), elle semble amorcer à elle seule un tournant dans la série: la révolution sexuelle. «Megan incarne la jeunesse, la beauté, la culture française, mais aussi l'aube d'une nouvelle décennie. Lors de la scène de la chanson Zou Bisou Bisou, elle porte une simple petite robe noire sexy - l'emblème de la frenchie - qui dévoile les jambes.» Un modèle mini qui, dès le lendemain, était au coeur des préoccupations de toutes les amatrices de mode averties et de la jet-set. «On a en effet reçu des dizaines et des dizaines de courriels nous demandant où et comment se la procurer», raconte Janie Bryant, tout sourire. Alors? «Il s'agit d'un modèle vintage dont j'ai retravaillé les manches.»

Pas étonnant que la styliste de choc en soit aujourd'hui à sa deuxième collaboration avec Banana Republic, naturellement intitulée «Mad Men Collection». Et, en avant-première, Janie Bryant nous confie qu'elle s'apprête à lancer sa collection personnelle de sacs à main.

Succès garanti pour une femme d'exception.

Photo fournie par AMC

Janie Bryant puise son inspiration dans les magazines de mode de l'époque, mais aussi dans le septième art: Hitchcock, Chabrol, Billy Wilder...

Question à Florence Girod, vice-présidente, planification stratégique de Cossette

Q. Entre l'époque de Mad Men et celle d'aujourd'hui, l'évolution du milieu de la publicité vous paraît-elle flagrante?

R. «Pas tant que ça. On trouve encore peu de femmes à la création, elles sont trop souvent cantonnées aux relations avec la clientèle. Dans ces conditions, le vêtement demeure primordial. En pub, les femmes se doivent d'être glamour et branchées. Pour revenir à Mad Men, une série qui flatte ce milieu souvent caricaturé et négativement connoté, on peut dire que les femmes y usent de leurs charmes pour gravir les échelons. Je suis étonnée de constater que ce rapport de séduction s'exerce toujours aujourd'hui, même si c'est dans une mesure bien moindre. Par exemple, dans une soirée le mois dernier, j'ai été frappée de voir que les hommes étaient plutôt décontractés jusqu'à se présenter en jeans, alors que les femmes me semblaient très apprêtées dans leur robe de soirée. Un contraste saisissant.»

Photo fournie par Cossette

Florence Girod, vice-présidente, planification stratégique de Cossette