Rabih Kayrouz peut être content de sa robe en trompe-l'oeil architectural, baptisée «invitation aux caresses». Apparemment «fermée, stricte», elle est d'une sensualité folle, permettant à un cavalier de glisser la main dans le dos de la belle qui le porte, sans même être vu.

Cette robe noire fluide, en «charmeuse» de soie-- tout un programme--, a été présentée aux acheteurs des grands magasins en pré-collection, avant le défilé prévu le 7 mars à Paris pendant la Semaine de mode. Et c'est déjà l'un des meilleurs vendeurs de la saison.

Clavicules et décolleté dissimulés sous le tissu, la robe est «très décente», s'amuse auprès de l'AFP le créateur libanais aux cils interminables, dans son atelier parisien. À la voir, comme cela, sagement disposée sur un cintre, on croirait presque «une robe de nonne».

Mais «le mouvement et l'attitude d'une femme peuvent lui offrir une autre vie», dit le styliste d'un sourire coquin. Sur le plan technique, il dit avoir «simplement» entrecroisé le dos et le devant de la robe, «sans jamais les coudre ensemble, pour créer ce troublant «passage secret».

Rabih Kayrouz, qui passe du calendrier de la couture à celui du prêt-à-porter cette saison, fuit la facilité, préférant susciter un trouble subtil sans dénuder les femmes. «J'adore l'intrigue dans les coupes», dit le couturier de 38 ans.

«Je ne suis pas un fan des décolletés. Avant je me forçais un peu, mais cette saison je n'en ai fait aucun», dit le créateur qui trouve «tellement plus beaux» les vêtements couvrants. «J'aime les fentes qui laissent entrevoir la peau ou les grands V dans le dos, c'est beaucoup plus sensuel et érotique», dit-il.

Oublier le vêtement

De la même façon, il évite les robes bustier, «inconfortables» pour les femmes, leur préférant des modèles dévoilant une seule épaule de façon asymétrique --il appelle cela un «décolleté d'épaule oui, épaule non».

Elles y sont infiniment «plus à l'aise, libérant leurs gestes». De fait, les femmes portant des bustiers chics ont tendance à serrer les coudes le long du corps ou à le remonter, comme un tic nerveux tout au long d'une soirée, pour être sûres qu'il reste en place sur la poitrine.

«Toute l'élégance est perdue si l'on est trop consciente de ce que l'on porte», insiste le créateur, qui fait essayer l'intégralité de sa collection à sa ravissante assistante Constance. «Je lui demande sans arrêt: Tu es à l'aise? Comment tu te sens? Il faut oublier le vêtement».

Formé à Paris, Rabih Kayrouz s'est fait connaître à Beyrouth en créant des robes de mariées pour ses copines, puis des clientes, élargissant ensuite sa production. En 2009, il revient à Paris pour y ouvrir sa maison de mode, attiré par le savoir-faire unique des artisans français.

À deux pas de l'hôtel Lutétia, dans un ancien théâtre en fond de cour où a été créé «En attendant Godot» de Samuel Beckett, sa maison abrite un showroom pour les clientes, un atelier, des bureaux, mais aussi une cuisine et une petite salle à manger pour l'équipe.

La marque est présente dans une cinquantaine de boutiques dans le monde, notamment aux États unis, Moyen-Orient, Russie et en France. Dans sa garde-robe citadine «mais avec de la sophistication», les prix vont de 800 euros la robe chemise à 4000 euros la robe du soir.

Son logo d'un rouge pimpant représente une grenade, «seul fruit oriental», généreux et porte-bonheur.