C'était en juillet dernier, à New York, dans la longue file d'attente devant le Metropolitan Museum of Arts, pour l'expo Savage Beauty consacrée au défunt créateur Alexander McQueen. Plus nous avancions vers l'entrée du MET, plus s'intensifiait un étrange désagrément que le philosophe Alain De Botton aurait diagnostiqué comme un cas classique «d'angoisse de statut».

Il faisait une chaleur tropicale et, dans une perspective pratique, j'avais donc chaussé mes Birkenstock et revêtu ma plus simple et confortable petite robe de coton. Une hérésie, en contraste avec les shorts moulants, les écharpes rayées, les pulls dénudant une épaule et autres fantaisies qui ornaient les fashionistas venues admirer le legs du doué (et regretté) créateur londonien.

Faux pas, disent les Anglais...

«La mode est une forme de laideur si intolérable qu'il faut la changer tous les six mois», ironisait Oscar Wilde.

On peut prétendre s'en détacher, l'ignorer, la trouver ridicule, sexiste, âgiste, la mode finit toujours par nous rattraper, compagne du quotidien tantôt flatteuse, tantôt dictatrice, voire aussi cruelle qu'une rivale adolescente qui, devant toute la classe, se moque tout haut de nos chaussures de la saison dernière. D'ailleurs, le défilé de la rentrée scolaire ressemble étrangement aux podiums de designers: ce n'est sans doute pas un hasard, si le Vogue fait coïncider sa «bible» annuelle avec la rentrée...

Toujours est-il que je me demande ce que l'auteur de L'éventail de Lady Windermere dirait aujourd'hui de cette «forme de laideur», alors qu'elle a gagné sa place au musée. Savage Beauty, rappelons-le, a été l'une des expositions plus populaires de l'histoire du MET, avec plus de 650 000 visiteurs. À Montréal, les créations de Jean Paul Gaultier et, avant lui, celles d'Yves Saint Laurent, ont attiré les foules au Musée des beaux-arts. Élevée au statut d'oeuvre d'art, la mode nourrit-elle le bonheur collectif?

«La mode n'est pas seulement faite pour embellir les femmes, mais aussi pour les rassurer», déclarait Yves Saint Laurent, en 2002, le jour où il a annonçait sa retraite du monde de la «guenille».

En cette époque où tendances éclair, clins d'oeil au passé et confusions des styles sont tour à tour à la mode, nous sommes appelés à rafraîchir plus souvent que tous les six mois nos critères esthétiques. Où trouver son bonheur (et son réconfort), quand on a depuis longtemps son diplôme d'études secondaires, mais qu'on n'est pas encore mûre pour la sandale orthopédique?

Peut-être dans l'excentricité, à l'instar de la duchesse d'Alba, excentrique aristocrate de 66 ans reconnue pour ses tenues bigarrées et ses nombreux remodelages, qui ces jours-ci, figure aux côtés de la princesse Kate, Lady Gaga et le couple Barack et Michelle Obama, au «temple de la renommée» des personnalités les mieux habillées de la planète, selon le Vanity Fair.

Ne reste plus qu'à vous souhaiter une heureuse semaine de mode et une rentrée rassurante (et stylisée)!