Dior devait présenter vendredi à Paris le dernier défilé de son directeur artistique depuis quinze ans, le flamboyant et talentueux John Galliano, congédié en début de semaine après avoir été accusé de propos racistes et antisémites.

Le spectacle, prévu en début d'après-midi dans le jardin du musée Rodin, devrait faire le plein de fashionistas comme de curieux, soucieux de participer à ce «moment historique».

Mais alors que la maison Dior organise généralement l'un des défilés les plus festifs de la saison, l'ambiance risque d'être assombrie par l'absence de la star déchue, dont les déboires seront dans toutes les têtes. Le couturier britannique, poursuivi en justice, est accusé d'avoir proféré, ivre, des insultes antisémites et racistes à l'encontre de trois personnes, lors de deux incidents dans un café parisien.

Et une vidéo accablante diffusée depuis lundi sur internet, le montre attablé, regard torve et débit de parole ralenti, accumuler les injures et déclarer son admiration pour Hitler.

Le défilé respectera donc une certaine discrétion: la maison, qui n'a prévu a priori aucune déclaration, a fait savoir à la presse qu'elle ne serait pas la bienvenue en coulisses, avant ou après le défilé.

C'est précisément en coulisses que la presse et les invités VIP, avant le scandale, se pressaient au milieu d'une joyeuse cohue pour interviewer et féliciter John Galliano une coupe de champagne à la main. Le contraste était frappant entre le provocateur qui venait de saluer sur scène et cet homme vulnérable, à la voix fluette, retrouvé en «backstage».

Le défilé fera-t-il le plein, cette fois, de célébrités internationales ?

En janvier, au premier rang, le cinéaste Pedro Almodovar se disait ému «presque aux larmes» de tant de beauté. Mais avant lui, on a pu voir la chanteuse Kylie Minogue ou les actrices Charlize Theron ou Maggie Cheung. En début de semaine, des rumeurs indiquaient que des acheteurs américains pourraient bouder le défilé. Mais la rapidité de la suspension, puis de la mise à pied du couturier semble avoir eu raison de ces velléités. «Nous n'avons pas eu écho de désistements», indique une porte-parole de Dior.

«Tout le monde sera là, le doigt sur la couture du pantalon, parce que le moment est historique», estime Jean-Paul Cauvin, du journal professionnel Fashion Daily News. Mais qui va saluer à la fin du défilé? C'est la question sur toutes les lèvres. Ou quel dispositif remplacera le salut rituel, toujours très scénarisé, de John Galliano?

L'apparition d'un logo de la marque?

Le plaisir du couturier, une mécanique tournant un peu à vide ces dernières saisons, consistait à se faire désirer de longues secondes avant d'apparaître, en ombre chinoise ou dans un nuage de fumée, dans des tenues déguisements en lien avec le thème de la collection.

«Cette fois, Dior pourrait choisir de faire saluer le studio, l'ensemble des ouvrières», se prend à rêver le consultant Donald Potard, interrogé par l'AFP. M. Galliano, souvent absent du studio ces derniers mois, s'appuyait de fait largement sur les équipes.

Verra-t-on aussi le mannequin vedette Karlie Kloss ouvrir le défilé? L'Américaine de 18 ans, dont le visage est affiché partout dans ParDépassant souvent les autres modèles d'une tête, elle affiche une expression joueuse, ou ironique, accentuée par ses sourcils circonflexes. Ajoutée au «chien» qu'elle donne aux vêtements, elle semblait la parfaite ambassadrice de l'humour et de l'audace du couturier british, avant la chute.