Le monde de la mode attend avec impatience, mais le coeur un peu lourd, le dernier défilé de John Galliano vendredi pour Dior, après la mise à pied cette semaine du créateur, poursuivi pour injure raciale. Pour ce défilé un peu particulier, les coulisses seront fermées à la presse, a précisé la maison de couture, qui ne fera a priori aucune déclaration.

C'est précisément en coulisse que la presse et les invités VIP, avant le scandale, se pressaient pour féliciter et interviewer John Galliano, au milieu d'une cohue impressionnante de serveurs distribuant des flûtes de champagne. Le contraste était frappant entre le provocateur qui venait de saluer sur scène et cet homme vulnérable, à la voix fluette, retrouvé en coulisse.

Dior a engagé mardi une procédure de licenciement contre son directeur artistique, accusé de propos racistes et antisémites. Au premier rang des défilés Dior figurent toujours de grandes vedettes.

Pour la couture, fin janvier, c'était par exemple le cinéaste Pedro Almodovar, «proche des larmes» tant la beauté du spectacle l'avait ému. En début de semaine, des rumeurs indiquaient que certains acheteurs américains pourraient bouder le défilé vendredi. Mais la mise à pied rapide du couturier britannique semble avoir eu raison de ces velléités. «Nous n'avons pas eu écho de désistements», indique une porte-parole de Dior. «Tout le monde sera là, le doigt sur la couture du pantalon, parce que le moment est historique», affirme à l'AFP Jean-Paul Cauvin, responsable mode du journal professionnel Fashion Daily News. «La seule question que tout le monde se pose, c'est ce qui se passera à la fin du défilé. Ont-ils prévu quelque chose à la place de l'habituel salut de Galliano ?»

Le plaisir du couturier, mécanique tournant un peu à vide ces derniers temps, consistait à se faire désirer de longues secondes pour exaspérer l'attente, avant d'apparaître dans des tenues déguisements en lien avec le thème de la collection: gitan chic, officier de marine ou voyageur sibérien. Ce défilé sera aussi «la démonstration, la preuve que la maison peut fonctionner sans créateur, au moins pendant un temps», ajoute M. Cauvin, soulignant que M. Galliano était largement absent du studio ces derniers mois, un secret de polichinelle dans le milieu.

«Cette fois, Dior pourrait choisir de faire saluer le studio, l'ensemble des ouvrières», se prend à rêver le consultant Donald Potard, interrogé par l'AFP.

Pour lui, à la veille du défilé, «le choc de l'affaire est passé» dans le microcosme: «Tout le monde veut maintenant savoir le nom de son successeur».

Parmi les noms qui circulent le plus, le mystérieux Riccardo Tisci, actuellement en poste chez Givenchy (LVMH) ou encore le Français Haider Ackermann, 40 ans cette année, qui dirige sa propre marque.

«Le monde de la mode est cruel. Le métier consistant à créer du rêve, tout ce qui est négatif passe rapidement à la trappe. On n'a qu'une envie, c'est que la page se tourne», ajoute-t-il, évoquant la solitude du «géant» déchu.

Selon Suzy Menkes, journaliste vedette de la mode pour le Herald Tribune, M. Galliano aurait quitté Paris après avoir été persuadé par quelques amis, parmi lesquels les top-modèles Naomi Campbell et Kate Moss, d'entrer en cure de désintoxication.

Le défilé de la marque «John Galliano» remplacé par une simple présentation

Le défilé de la marque «John Galliano», initialement prévu dimanche après-midi à Paris, est annulé, mais les vêtements de la collection seront toutefois présentés aux acheteurs et à la presse dans le cadre intime d'un salon, a-t-on appris jeudi de source proche du dossier.