C'est une année prospère pour le créateur de chaussures québécois Jérôme Chouinard Rousseau, établi à Los Angeles depuis 2005. En juillet, il a gagné le prix Who Is On Next, octroyé par Vogue Italia aux talents de mode les plus prometteurs, dans la catégorie accessoires. Il a aussi raflé un contrat avec Disney pour créer un escarpin à l'occasion de la sortie du film de science-fiction Tron Legacy en décembre. L'objet de désir, une sandale métallique ornée de pétales futuristes au talon vertigineux, sera en vente à la boutique temporaire de Tron Legacy à Hollywood, puis dans les boutiques qui vendent la marque à travers le monde en février.

C'est le style unique de Rousseau, à la fois féminin et conceptuel, qui a fait le succès de sa marque, Jérôme C. Rousseau, dès son lancement en 2008. Fred Segal, la boutique multimarques la plus chic de Californie, a aussitôt commandé neuf modèles; Charlize Theron a porté une paire d'escarpins à une première, suivie de Cameron Diaz et Scarlett Johansson. La marque est aujourd'hui vendue dans les meilleures boutiques du monde, de Barneys à New York et Harvey Nichols à Londres, en passant par Le Bon Marché à Paris et Holt Renfrew à Montréal. Rousseau a également créé des modèles exclusifs pour le défilé du créateur anglais Peter Pilotto. À 33 ans, il dirige son entreprise qui compte deux employés. Avec plus de 40 acheteurs et une production faite en Italie, c'est tout un défi pour un jeune entrepreneur.

Né à Roberval au Lac-Saint-Jean en 1977, Rousseau découvre la mode à travers les vidéoclips de groupes cultes des années 80. «Je suis issu de la génération MTV», plaisante-t-il. Ses préférés: Duran Duran, Cyndi Lauper et Gary Newman. Après avoir eu un coup de foudre pour les escarpins à plateforme et aux tenues multicolores du groupe de club/house Deee-Lite, il se met à dessiner des chaussures dans le cadre de ses cours d'art. Il déménage à Montréal pour étudier la mode au collège Lasalle. Grâce à des bourses de la fondation Mode Montréal, il part à Londres pour étudier au prestigieux Cordwainers College, l'Alma Mater de Jimmy Choo.

«Je voulais vraiment découvrir de grandes villes, des choses nouvelles, explique Rousseau. À Londres, ce que j'aime beaucoup, c'est l'individualité. J'étais jeune et il fallait en profiter.» Il découvre le post-punk anglais et la culture club brit-pop qui l'inspirent énormément. Dès l'obtention de son diplôme, il est engagé par des créateurs comme Matthew Williamson, John Richmond et Jasper Conran pour des contrats de création. Lorsque son partenaire, un Italien, décide de déménager en Californie, Rousseau part avec lui et travaille quelques années pour la marque d'accessoires Isabella Fiore. Il décide rapidement de lancer sa propre ligne avec ses quelques économies et ses contacts en Italie.

Entre artiste et homme d'affaires, Rousseau crée des modèles inspirés de l'art, de l'architecture et du cinéma, qui restent féminins et accessibles. Ses sandales à brides aux coupes échancrées s'allient aux robes du soir et pantalons habillés. Ses cuirs métalliques s'accordent avec tous les styles. Ses talons hauts donnent l'illusion d'une jambe interminable. Pour l'été 2011, Rousseau s'est inspiré des peintures de Keith Haring, notamment de la peinture sur corps qu'il a créée sur le corps de Grace Jones. «J'ai lu le journal de Keith Haring et sa vie m'a beaucoup inspiré. Il y avait quelque chose de poétique et de rebelle.» Le résultat: une collection graphique, aux couleurs pop et aux contrastes forts. Par ailleurs, la femme selon Jérôme C. Rousseau est plutôt ludique et farouche, comme sa nouvelle muse, l'actrice française Roxane Mesquida. «C'est une femme qui aime la folie et le plaisir,», explique-t-il. «Une femme qui aime beaucoup la musique, qui aime danser. Une femme qui porte ses chaussures du soir pour danser à la maison.»