Verre de dégustation ou vase design, beaucoup d'Européens recevront pour les fêtes un cadeau fabriqué à Colle Val D'Elsa, en Toscane, sans rien connaître de la capitale italienne du cristal, qui a fait appel au gotha des créateurs pour sortir de l'anonymat.

Cette petite ville de 21.000 habitants où la tradition verrière remonte au 14ème siècle concentre 95% du cristal fabriqué en Italie et 15% de la production mondiale. Elle exporte dans 96 pays.

«Notre principal concurrent est la France (marques Baccarat, Lalique..) maintenant que la Grande-Bretagne et l'Irlande (Waterford) connaissent de grosses difficultés, comme la Bohême», explique à l'AFP Giampiero Brogi, président du consortium du cristal.

Pour combler son déficit de notoriété, ce consortium et la municipalité ont fait appel à l'architecte français Jean Nouvel pour une ambitieuse rénovation (30 millions d'euros), destinée à attirer à Colle les touristes qui ne connaissent que les cités voisines de San Gimignano et Volterra.

Un ascenseur de verre relie désormais la belle cité médiévale à la partie basse industrielle où six façades de la place Arnolfo refaite par Daniel Buren seront bientôt décorées de volets en cristal de 300 kg, reproduction de persiennes en bois, conçus par l'Italienne Alessandra Tesi.

Le cristal -- verre auquel on ajoute de l'oxyde de plomb pour le rendre transparent et brillant -- ne rythme plus le quotidien de Colle Val D'Elsa comme lorsqu'une cloche marquait l'entrée et la sortie des ouvriers-verriers. Mais il représente une activité essentielle avec 80 millions d'euros de ventes annuelles, 700 salariés et une quinzaine de fabriques. Un musée retrace leur histoire.

Le regard concentré derrière des lunettes de protection, Stefano Gennai finit d'assembler au chalumeau le lourd corps et le socle d'une statuette africaine en cristal à laquelle il vient de consacrer une heure de travail.

À 37 ans, il a déjà 20 ans d'ancienneté et malgré la chaleur l'été et les levers matinaux, ce maître-verrier confie: «tout me plaît dans ce métier où l'imagination et la créativité sont essentielles. On n'arrête jamais d'apprendre».

Non loin de lui, le vétéran Adriano Canocchi, 57 ans dont 46 dans la fabrique, souligne combien le métier a changé : «il y a 20 ans on était 10 à 12 pour faire une carafe à la main, maintenant seulement 3 ou 4». L'important, selon lui, est d'avoir un sens de l'observation très développé et une grande habileté. Le reste «sort du coeur».

Depuis le boom des années 60, le secteur du cristal a connu plusieurs crises. Les goûts ont changé. «Autrefois il était en tête des listes de mariage, maintenant on demande d'abord un voyage, une grande TV et en dernier des verres», souligne M. Brogi, également patron de la firme Colle Vilca.

S'est ajoutée la crise économique de 2008/2009, qui a entamé le budget des amateurs de beaux verres et autres objets en cristal.

Les producteurs de Colle ont réagi en renforçant leur catalogue d'artistes contemporains avec des signatures célèbres comme Le Corbusier, Gio Ponti, C.R Mackintosh, Joe Colombo (verres pour fumeurs «smoke») pour les plus anciens, Cini Boeri ou Konstantin Grcic pour les designers en activité.

«Nous travaillons aussi dans le secteur de l'illumination (Ettore Sotsass pour la fabrique Arnolfo di Cambio, ndlr) ou des accessoires pour pompes funèbres», souligne M. Brogi.

Et grâce à la vogue de l'énergie verte, une autre voie de diversification s'est ouverte avec notamment un projet de panneaux solaires pouvant prendre la forme des objets où ils sont installés.