Aucun repreneur n'est venu sauver la maison Christian Lacroix, qui doit se séparer de 90% de son effectif et renoncer à sa couture après la décision mardi du tribunal de commerce de Paris.

Près d'une centaine de salariés vont être licenciés. Seule une douzaine d'entre eux vont être maintenus pour gérer des contrats de licence (collection hommes, robes de mariées, parfums), qui pourront porter la marque «Christian Lacroix» sans forcément avoir été conçus par le couturier.

«C'est surréaliste, on n'arrive pas à croire qu'on arrête», a réagi Monika Soszynska, assistante accessoires haute couture, en marge de l'audience.

À défaut de repreneur capable de présenter des garanties financières à leurs offres de reprise, le tribunal a donc suivi le plan proposé par les propriétaires américains de la maison Lacroix (groupe Falic).

«Le tribunal a écarté tous les plans qui ont été proposés par les différents repreneurs et a retenu le plan de continuation de l'entreprise», a résumé Simon Tahar, avocat de la maison Lacroix, soulignant qu'il avait ainsi «exclu l'idée d'une liquidation qui aurait mis fin définitivement à l'entreprise».

Le couturier Christian Lacroix n'était pas présent à l'audience et, contacté par l'AFP, n'a pas souhaité commenter la décision.

Le Pdg de la société Lacroix, Nicolas Topiol, a indiqué qu'il espérait encore «trouver une solution de reprise» ultérieure, précisant à l'AFP que le cheikh émirati Hassan ben Ali al-Naimi, sur lequel la maison avait fondé beaucoup d'espoirs, était «toujours dans le paysage, et tant mieux».

Le cheikh du petit émirat d'Ajman, auquel était associé le couturier français, avait proposé d'apporter 100 millions d'euros pour l'apurement du passif, les pertes attendues au redémarrage de la griffe et son développement. Mais il n'a pas présenté de garanties financières dans les délais fixés par le tribunal.

«Le cheikh souhaite toujours investir», a insisté M. Tahar, précisant qu'il avait même adressé un courrier au tribunal quelques instants avant l'audience pour demander un délai supplémentaire afin de pouvoir produire ces garanties.

De son côté, le ministre français de l'Industrie Christian Estrosi a affirmé être en contact avec les différentes parties pour «tenter de favoriser une issue positive» à ce dossier.

En attendant, M. Topiol affirme que la décision du tribunal va permettre de «recentrer» l'entreprise «sur l'exploitation des marques (licences, ndlr) et lui donner une chance de se redéployer vers le prêt-à-porter».

Mais de nombreux salariés broyaient du noir. «Pour nous, la maison Lacroix, celle de la couture et du prêt-porter, n'existe plus», a résumé auprès de l'AFP une employée qui n'a pas souhaité être identifiée. «Toutes sortes de produits pourront maintenant être créés sous le nom de M. Lacroix sans qu'il ait de droit de regard».

«Tout est gâché. Ils vont pouvoir vendre des kleenex et des briquets siglés Lacroix, ou même du papier peint au mètre s'ils veulent», a renchéri l'un de ses collègues.

Créée en 1987 avec l'appui du numéro un mondial du luxe LVMH qui l'a vendue en 2005 au groupe Falic, spécialisé dans le duty free, la maison Christian Lacroix a enregistré une perte de 10 millions d'euros en 2008.

Interrogé la semaine dernière sur le sort de la maison, le couturier s'est dit surtout inquiet pour les salariés, notamment ses couturières aux «mains en or».

M. Lacroix est lui-même à la tête d'une autre société, XCLC, à travers laquelle il gère ses activités «hors mode», comme le design de trains, de tramways, d'hôtels ou encore de costumes de théâtre.