C'est dans un édifice anonyme du boulevard Saint-Laurent, à l'angle de la rue Chabanel, que m'attend Sabrina Barilà. Elle m'accueille dans son atelier, qui fait aussi office de salle d'exposition. L'endroit est meublé d'une ancienne causeuse d'époque et d'un canapé orné de coussins tricotés main.

La designer de 32 ans, le regard pénétrant, porte un bonnet de laine sur la tête et un petit anneau doré dans le nez.

Tout à coup, le téléphone sonne. C'est Claudia, sa soeur aînée. Elle vient d'assister à la première de Varekai, le spectacle du Cirque du Soleil, présenté à Moscou.

 

Sabrina appuie sur la touche «mains libres» du combiné. Je poursuis l'entrevue, en direct de Russie.

«Sabrina et moi avons des forces différentes: elle, c'est la création et moi, c'est mon réseau de contacts, explique Claudia Barilà, 35 ans. Ma soeur préfère rester en coulisses alors que moi, je suis sous les projecteurs et, avoue-t-elle, je profite de ma notoriété pour mieux faire rayonner la marque Barilà.»

Exemple concret? «Ma copine Naomi Campbell (NDLR: une ex-super top modèle) porte des vêtements Barilà et ce n'est pas pour me faire une faveur, mais bien parce qu'elle les aime vraiment. Elle a posé avec l'une de nos robes pour le Vogue brésilien. Elle a même comparé l'allure de notre veste en similicuir perforé à celle de certains vêtements du designer Azzedine Alaïa, ce qui est un grand compliment», raconte Claudia Barilà.

Être la conjointe de Guy Laliberté attire les projecteurs, mais le produit doit être à la hauteur des attentes, n'est-ce pas? «Bien sûr, il faut que les vêtements soient impeccables, répond Sabrina. Ma soeur a investi dans l'entreprise, mais Barilà, ce n'est pas Guy Laliberté, poursuit-elle. Si c'était le cas, j'aurais un bureau plus luxueux, vous ne croyez pas? De toute façon, je n'ai pas été élevée comme ça», tient à préciser Sabrina Barilà.

À l'autre bout du fil, Claudia s'excuse, car elle doit nous quitter pour un party. «Je prendrai une vodka à votre santé», dit-elle joyeusement.

Malgré un attachement évident, les deux soeurs d'origine italienne vivent dans deux univers différents: «Claudia est parfaitement à l'aise auprès des célébrités, alors que je ne suis pas du tout jet-set, rappelle Sabrina. Ce n'est pas l'éclat des stars qui m'impressionne, mais leur travail.»

Les débuts d'une designer

Sabrina a littéralement «poussé» dans l'univers de la mode et des vêtements. Tous les samedis, sa mère, née dans le sud de l'Italie, l'emmène avec elle à l'usine de couture. «J'avais 4 ou 5 ans et je m'amusais à couper les fils et à nettoyer les machines à coudre des collègues de ma mère. En retour, elles me gâtaient avec un peu d'argent», raconte-t-elle.

À 23 ans, elle fréquente l'Académie internationale du design et de technologie, à Montréal, obtient son diplôme et se met à l'oeuvre dans le sous-sol de sa mère. Elle crée des tops au style fantaisiste et, timidement, les propose à son copain, propriétaire d'une boutique. Surprise! Ils font fureur auprès de la clientèle.

La jeune designer quitte alors son travail chez un fabricant de jeans montréalais et prépare modestement une première collection qu'elle vend en parcourant les boutiques.

En 2005, sa grande soeur mannequin lui donne un premier coup de main financier afin qu'elle puisse produire en sous-traitance. Conséquence: la première «réelle» collection Barilà affichant le logo actuel est lancée en 2007.

Naissance d'une griffe

À l'été 2009, un défilé Barilà est présenté, lors du Festival mode et design de Montréal. Suivra la création de la collection automne-hiver 2009-2010 (sans présentation devant public).

Ce mois-ci, les soeurs Barilà ont pour la première fois participé à la Semaine de mode de Montréal en y dévoilant leur collection de l'été 2010.

Anecdote: des pétales de rose naturels et artificiels avaient été dispersés sur la passerelle, quelques minutes avant le défilé. Malheur! Les pétales naturels ont rendu le sol glissant. «J'ai paniqué lorsque je m'en suis aperçue!» se souvient Sabrina qui, tout de suite, a demandé aux mannequins d'enlever leurs chaussures. Étonnamment, c'est à ce moment que les premières notes de la chanson Take Off Your Shoes se sont fait entendre.

«Ce qui correspondait heureusement à l'image de la femme que nous voulions projeter: celle qui aime s'amuser avec sa garde-robe et qui ne se prend pas trop au sérieux», explique la créatrice.

Décontractée, cette collection d'été semble d'ailleurs ultra facile à porter: au boulot, en vacances, à une soirée chez ses beaux-parents ou dans une boîte de nuit branchée. Elle comporte tout autant des robes fourreaux décolletées (confortables et sexy) que des robes fluides, des tuniques et des combinaisons délicatement structurées. Les silhouettes sont pour la plupart cintrées à la taille et les imprimés sont constitués de grandes fleurs contrastantes ou d'un vichy surdimensionné.

Féminissime et rétro

«Cette collection s'inspire largement du film Grey Gardens, basé sur l'histoire d'une mère et de sa fille vivant recluses dans leur manoir des Hamptons, aux États-Unis, explique Sabrina. J'ai été particulièrement touchée par les couleurs pastel, les jardins fleuris et la lumière de ce long métrage», précise la designer, qui s'avoue très sensible à tout ce qui l'entoure.

«La musique entendue dans un café comme l'architecture d'un édifice, tout peux m'inspirer. Je suis une réelle éponge», avoue-t-elle avant de filer à son rendez-vous chez son autre soeur, Julia, massothérapeute.

Les prix des vêtements signés Barilà oscillent entre 150$ et 500$.

www.barilaclothing.com