Pour la première fois de son histoire, Damas a accueilli cette semaine un concours de mode ouvert à de jeunes stylistes syriens. Sous les portraits du président Bachar el-Assad et de son défunt père Hafez, des mannequins ont défilé, au son de musiques orientales, dans des robes parfois audacieuses.

L'événement, organisé mardi soir dans un grand hôtel de la capitale, visait à encourager les talents locaux et les produits nationaux. Mais, encore plus important peut-être, il s'inscrit dans le cadre des récents efforts d'ouverture déployés par Damas pour adoucir l'image de la Syrie.

Etroitement contrôlée par un régime autoritaire, souvent montrée du doigt par l'Occident pour abriter des organisations militantes palestiniennes ou pour son soutien présumé aux insurgés irakiens, la Syrie a travaillé dur ces dernières années pour faire évoluer son image et se transformer sur le plan économique.

Le concours présentait 60 modèles créés par 12 stylistes syriens à une assistance essentiellement féminine de quelque 150 personnes, en présence de représentants d'ambassades de pays étrangers.

Au-delà des cadeaux et diplômes octroyés par les neuf juges, les lauréats espéraient surtout y gagner une certaine visibilité tant en Syrie qu'à l'étranger.

«C'est un événement très rare en Syrie, j'espère que c'est un premier pas dans la bonne direction», soulignait Emily Jabbour, architecte syrienne de 25 ans présente dans le public.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2000, après le décès de son père, Bachar el-Assad est crédité pour avoir mis en oeuvre un processus de réformes. Le gouvernement a adopté plusieurs lois destinées à attirer les investissements, à libéraliser et à diversifier divers pans de l'économie.

Banques étrangères, boutiques internationales, chaînes de cafés, centres commerciaux à l'occidentale et hôtels ont poussé comme des champignons à Damas où l'atmosphère est bien plus détendue qu'il y a quelques années. Et les femmes des classes aisées n'ont plus besoin d'aller à Beyrouth pour dépenser leur argent dans les boutiques de designers.

Car les Syriennes sont considérées comme plutôt à la mode en comparaison avec les ressortissantes d'autres pays arabes, en particulier les Etats conservateurs du Golfe. La «First lady» syrienne, Asma el-Assad, a été désignée en 2008 par le magazine français «Elle» comme la femme la plus élégante de la scène politique internationale.

Reste que la Syrie demeure bien plus conservatrice que le Pays du Cèdre, où de nombreux stylistes ont accédé à la renommée. Le couturier Rami Al Ali, installé aux Emirats, est peut-être le seul représentant syrien du monde de la mode dont le nom est connu à l'étranger.

«Les Syriens sont très ouverts», observe Salem Mardini, à la tête de l'agence qui a fait répéter les mannequins présents mardi au défilé. «Nous aimons la mode et la vie», mais «nous ne sommes pas bons quand il s'agit de faire notre propre publicité».

De l'avis d'une des stylistes en compétition, Rania Nachawaty, les Syriennes sont soumises à de nombreuses contraintes. «Beaucoup de choses ne sont pas encore acceptées, nous avons beaucoup de talents mais leur travail n'est malheureusement pas couvert par la presse», dit-elle.

Mardi, nombre de femmes dans l'assistance portaient le traditionnel foulard islamique, et se sont contentées d'applaudir discrètement en fin de défilé. Parmi les modèles de Rania Nachawaty -elle même voilée mardi soir-, on trouvait des tenues audacieuses, une tenue de mariée bleue à paillettes et une robe du soir noire brillante, mais aussi une robe folklorique avec un drapeau syrien faisant office de traîne, qui a remporté un succès immédiat.

Si de nombreux obstacles se dressent sur le chemin de Damas -ses relations avec Washington commencent à peine à se dégeler sur fond de différends avec le Liban, l'Irak et Israël-, ce concours témoignait clairement de la volonté de la communauté syrienne de la mode de faire parler d'elle.

Rania Nachawaty souhaiterait que l'événement devienne annuel. ôôC'est peu, note-t-elle, mais c'est un début et cela me donne de l'espoir».