Max Azria, le gentil mégalomane derrière le groupe américain BCBGMAXAZRIAGROUP, un empire de mode réunissant aujourd'hui 22 marques, était de passage à Montréal la semaine dernière pour l'ouverture de son magasin phare de la rue Sainte-Catherine. Jusqu'à nouvel ordre, il s'agit du plus grand magasin BCBGMAXAZRIA au monde, avec ses 17 250 pieds carrés. Jusqu'à nouvel ordre, disons-nous, parce que le créateur de mode et homme d'affaires n'entend pas s'arrêter là.

Lorsqu'on lui demande ce qui le pousse à voir toujours plus grand, il répond candidement: «Pour unir le monde. Pour que le monde ne soit qu'un. C'est presque politique.»Mais sa vision n'a pas l'agressivité généralement associée à l'impérialisme états-unien, précise-t-il. «Il y a de la romance dans ma manière de faire les choses. Tout le monde est bien traité. J'emploie des centaines de milliers de personnes en Asie. En étant grand, on fait travailler plus de monde. Et partout où je passe, je vois des sourires autour de moi.»

Un brin romantique, le sexagénaire dont la griffe combine depuis toujours sophistication européenne et esprit américain, se sent aussi investi d'une mission de «démocratisation» de la mode. Depuis son acquisition de la chic mais moribonde maison française Hervé Léger, en 1998, et l'élaboration de la collection Miley and Max («dessinée» par la chanteuse Miley Cirus et vendue chez Wal-Mart), toutes les femmes, de l'adolescente à l'aristocrate, ont désormais accès à l'une ou l'autre des collections du groupe BCBG.

Un bon docteur

Et il aime particulièrement les femmes, à la manière d'un bon docteur. «La mode est une médication extraordinaire pour toutes les femmes qui veulent se sentir bien dans leur peau, se sentir détendues ou se construire une personnalité. La mode entraîne des relations auxquelles vous n'auriez peut-être pas accès autrement. Vous pouvez rencontrer une personne avec qui vous deviendrez amie parce qu'elle aime votre style. Lorsqu'on est confiant dans son style et dans son apparence, on contrôle la pièce.» Nous aimerions bien entendre la psychanalyste Pascale Navarri, auteure du livre Trendy, sexy et inconscient, à ce sujet !

Mais qu'importe, puisque M. Azria a trouvé un milieu où sa vision tient la route: les vedettes. Plutôt que de s'installer à New York, à son arrivée aux États-Unis, en 1981, il a choisi le soleil de la Californie. «C'était pour le climat, avant tout», affirme le Tunisien d'origine. Malgré des débuts difficiles en sol américain, où il a ouvert sa première boutique en 1989, il a fini par se faire un nom.

Mais pour entrer dans le club sélect des «designers de stars», il fallait d'abord faire ses preuves dans l'univers de la mode. C'est au milieu des années 90, lorsqu'il a commencé à travailler avec les mannequins et les photographes les plus en vue et à placer ses produits dans des émissions à succès comme Sex and the City et Will and Grace, que la marque a accru sa notoriété. «Si vous ouvrez la marche dans la mode, alors les vedettes veulent de vous. Autrement, il n'y a rien à faire.»

M. Azria fait maintenant partie des designers chouchous du gotha hollywoodien, tout en demeurant près de la femme d'affaires et de la ménagère. Il aime bien ce titre de «généraliste de la mode» que nous lui attribuons pendant l'entrevue. «Je fais ça par pure générosité. J'aime les gens», dit le papa de six enfants, dont la fille aînée dessine justement BCBGeneration, une des collections les plus abordables du groupe.

Un refuge

«Le message qu'il est bon de véhiculer en ces temps plus difficiles est que la mode est un refuge. Quand on se sent bien, que ce soit parce qu'on fait attention à ce qu'on mange ou parce qu'on fait attention à son apparence, selon ses moyens, on est positif. Et quand on est positif, on peut changer le monde», dit M. Azria.

Le groupe Max Azria a aujourd'hui un chiffre d'affaires de près de 2,4 milliards (dont environ 75 millions au Canada). En France, le groupe a racheté Alain Manoukian en 2005, relancé en 2007 une marque de sport nommée Dorotennis et ressuscité Dorothée bis.

Plus près de chez nous, il a procédé au revampage du magasin de la rue Sainte-Catherine, le premier qu'il ait ouvert à l'extérieur des États-Unis, en 1990. «Montréal, c'est ma vie: un mélange franco-américain», déclare-t-il, pour expliquer son attachement à la ville.

Avec 560 boutiques dans le monde et 22 000 employés, parions qu'il ne restera pas sur place trop longtemps.