Le designer britannique Alexander McQueen est reconnu pour ses défilés (très) ébouriffants. Ses qualités de couturier sont indéniables et sa maîtrise de la coupe irréprochable. Quant à la théâtralité de ses présentations, elle est saisissante. Celle de l'automne-hiver 2009-2010 n'a pas fait exception à la règle. Mieux, elle a suscité la controverse.

Imaginez: les top models arboraient un teint pâle, des sourcils effacés et une bouche démesurément peinte en rouge sang ou noir brillant. Certains y ont vu un visage de clown, d'autres une caricature de femme aux lèvres exagérément siliconées. D'autres, enfin, ont associé ce maquillage à l'évocation d'une bouche de poupée gonflable, rapporte Sarah Mower, du site style.com.

 

«J'ai d'abord détesté ce maquillage. Mais, en raison de la grande qualité du travail du designer, je ferme les yeux sur ce geste à la fois misogyne et irrévérencieux», confie Ying Gao, professeure en création à l'École supérieure de mode de Montréal, à l'UQAM.

Sorte de Tarantino de la mode, Alexander McQueen a signé une mise en scène provocante, selon Ying Gao. «Rebelle, il comprend parfaitement l'idée du défilé-spectacle, un phénomène essentiel à la survie de la mode. La pire chose qui puisse arriver à un designer est qu'on n'en parle pas», a-t-elle ajouté.

Denis Desro, rédacteur en chef mode des magazines ELLE Québec et ELLE Canada, s'est pour sa part demandé pourquoi McQueen avait embauché des top models convoités pour ensuite les rendre méconnaissables. «Mais cette propension à la provocation fait partie de la signature du créateur», a précisé Denis Desro. Selon lui, les professionnels du milieu de la mode qui assistent à ce genre de défilés font la part des choses. «McQueen a présenté une collection très forte sur des mannequins transformés en créatures quasi irréelles, voire fantastiques», a-t-il dit.

Enfin, Mariette Julien, chercheuse en sociologie de la mode, constate qu'Alexander McQueen a misé sur l'exagération théâtrale, dans l'esprit de la mode cartoonesque. Il a également bien saisi le phénomène de la mode hypersexualisée - calquée sur l'image de la poupée - pour ensuite le caricaturer.

«Une bouche pulpeuse rouge d'allure mouillée rappelle l'afflux du sang dans les organes génitaux féminins pendant l'orgasme, une représentation considérée comme étant l'ultime fétiche sexuel», soutient la professeure à l'École supérieure de mode de Montréal.