De Dorian Leigh à Kate Moss, l'Institut du costume du Metropolitan Museum of Art de New York rend hommage aux mannequins des 50 dernières années, les «muses» des temps modernes. Un sujet moins mince qu'il n'y paraît...

Habitués aux flashs des caméras, les mannequins qui se sont présentés au fort couru Gala annuel de l'Institut du costume du Met de New York le 4 mai dernier, en ont reçu une double dose cette année. Pour une rare fois, les nombreuses célébrités qui se pressaient sur le tapis rouge le plus glamour de Manhattan se sont même fait voler la vedette par les mannequins.

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Ce regain d'intérêt pour les modèles à l'entrée du musée contrastait toutefois avec le propos de l'exposition présentée deux étages plus haut. Retraçant cinq décennies de mode (1947-1997), l'exposition Model as Muse montre comment la cote des modèles a fluctué pour atteindre son apogée dans les années 80, avant de décliner à partir de la décennie suivante.

«L'industrie de la mode qui a créé les mannequins superstars a voulu que les vêtements redeviennent le centre d'intérêt principal à partir des années 90», précise Kohle Yohannan, historien et cocurateur de l'exposition.

Muses de certains designers, les modèles sont surtout un révélateur des évolutions sociales, estime le curateur. «Ce qui est intéressant, c'est de voir comment le type de femmes qui est idéalisé selon les époques correspond à des évolutions sociales, aux changements qui affectent la place de la femme dans la société», soutient-il.

Si des mannequins défilaient bien avant les années 40, l'expo fait de 1947 l'an zéro du mannequinat. Cette année-là, Christian Dior a lancé son New Look à Paris; le photographe Irving Penn a immortalisé les 12 modèles les plus importants de son temps, tandis que l'agence de mannequins Ford a vu le jour à New York.

Malgré leurs airs très aristocratiques, les modèles de l'époque sont pour la plupart anonymes et ne gagnent pas plus que quelques poignées de dollars par jour. Une dizaine d'année plus tard, alors que les swinging sixties montrent le bout de leur nez, des modèles complètement différents font leur apparition.

«Dans les années 60, les filles deviennent importantes, précise Yohannan. C'est sexe, drogue et rock'n'roll, c'est Twiggy, une culture «jeune» prend le dessus. Le nouvel idéal de beauté est presque juvénile, mince et avec de longues jambes, précise-t-il. On est en réaction par rapport au raffinement des années 50».

Ascendante à compter des années 60, la cote des modèles attendra son apogée dans les années 80 avec des mannequins comme Naomi Campbell ou Christy Turlington. Les supermodèles, connus et reconnus de tous, ne sortent alors plus de leur lit pour moins de 10 000$, comme le dira l'Ontarienne Linda Evangelista.

«Elles n'étaient pas juste des modèles, mais des célébrités à part entière. D'une certaine manière, leur gloire a presque éclipsé l'industrie qui les a créées», rappelle le curateur.

Le grunge et les années 90 mettront un terme à cet ascension. Les supermodèles cèdent d'abord la place à des filles à l'allure plus «alternative» comme Kate Moss ou la Québécoise Ève Salvail, avant qu'une armée de jeunes filles blondes, indistinctes et filiformes de l'Europe de l'Est se mettent à prendre d'assaut les passerelles.

Présentant un nombre impressionnant de magnifiques photos, de somptueuses pièces de designers et de magazines d'époque, l'exposition aborde avec beaucoup de pudeur les nombreuses controverses qui entourent les modèles. Les questions d'âge, d'ethnicité et d'anorexie sont abordées ici et là mais jamais en profondeur.

«Ces controverses ne sont pas nouvelles, elles ont toujours existé», se défend le curateur en pointant le visage de Carmen Dell'Orefice en couverture du Vogue d'octobre 1947. Fardée de maquillage, elle n'avait alors que 15 ans. «La bonne nouvelle, c'est qu'il lui arrive encore de faire le mannequin à plus de 70 ans», se félicite Kohle Yohannan.

Photo: Reuters

Le mannequin Cindy Crawford.