La semaine dernière, le groupe montréalais The Stills donnait un concert chez Holt Renfrew, devant un parterre bien fringué. Les boys avaient été invités (et habillés) par John Varvatos, maniaque de rock, pour marquer l'ouverture de sa boutique concept dans le grand magasin de la rue Sherbrooke. Le designer américain, qui habille notamment Joe Perry, d'Aerosmith, et les membres de Velvet Revolver et de Franz Ferdinand, nous a parlé de sa passion pour la mode et la musique.

Né à Detroit, melting-pot musical s'il en est un, John Varvatos a été exposé au rock alors qu'il était encore aux couches. Il anime d'ailleurs une toute nouvelle émission de radio satellite sur Sirius intitulée Born in Detroit, dans laquelle il relate des souvenirs de son enfance dans la Motor City, partage sa musique préférée (dont celle de The Stills) et réalise des entrevues avec ses idoles de jeunesse, comme les New York Dolls et Iggy Pop, entre autres. «Ma passion pour la musique remonte à loin et je suis très chanceux d'avoir pu la marier avec mon autre passion, la mode.»

 

En effet, depuis qu'il a lancé sa propre collection de vêtements pour hommes en 2000, après avoir occupé des fonctions importantes chez Ralph Lauren et chez Calvin Klein, la musique prend de plus en plus de place dans sa création et dans sa vie en général. «Mon travail, chez Ralph Lauren et Calvin Klein, était de perpétuer la marque. Ce n'était pas nécessairement mon style à moi, mais je le comprenais bien et je le respectais. Il est bien évident que ma collection est beaucoup plus le reflet de ma personnalité. Je l'ai voulue plus éclectique, plus originale, plus virile.»

La collection principale est notamment composée de complets étroits très modernes, de jeans fuselés, de chemises aux coupes impeccables et de blousons de cuir façon «mauvais garçon». Les collections John Varvatos USA, ainsi que celles qu'il a créées pour Converse, offrent des pièces un peu plus décontractées et accessibles.

En 2005, le créateur a commencé à faire appel à des vedettes du rock plutôt qu'à des mannequins professionnels dans ses campagnes publicitaires. Ryan Adams, Joe Perry, Chris Cornell, Iggy Pop, Velvet Revolver, Alice Cooper, Cheap Trick, Perry Farrell (Jane's Addiction) et Franz Ferdinand ont tous défilé devant la lentille du photographeet documentariste Danny Clinch.

«Pour moi, tous ces artistes sont des icônes du rock d'hier et d'aujourd'hui. J'aime les musiciens qui ont su développer leur propre créneau, comme les inimitables Iggy Pop et Alice Cooper. J'ai un faible pour les rebelles. Je les choisis aussi parce que je sais qu'ils aiment mes fringues et que je n'aurai pas à leur tordre le bras pour qu'ils les portent, d'autant plus qu'ils sont payés en vêtements! Par exemple, je savais qu'Alex Kapranos, le chanteur de Franz Ferdinand, magasinait dans notre boutique de Soho.»

 

Loin d'être blasé ou vaniteux, cette nouvelle vedette de la mode masculine continue de s'émerveiller devant le cours du destin. «En grandissant, j'étais très influencé par le style vestimentaire des musiciens et je trouve ça très drôle aujourd'hui que les musiciens fassent appel à moi pour travailler sur leur garde-robe et leurs looks de scène. Tout récemment, je lunchais avec Jimmy Page de Led Zeppelin, qui était vraiment une de mes idoles de jeunesse et il me disait qu'il adorait mes vêtements, qu'il ne portait que ça. Je me pinçais!»

L'an dernier, John Varvatos a ouvert sa deuxième boutique new-yorkaise au 315 Bowery, dans l'ancien CBGB's, temple trash de la musique underground où les groupes Television, The Ramones et Blondie ont donné leurs premiers concerts. Fermé depuis 2006, ce lieu mythique devait être démoli et remplacé par une banque. Minute, papillon! a lancé le créateur.

«Lorsque nous avons repris le bail du CBGB's, la nouvelle a été bien reçue, mais il y avait également quelques mécontents, qui en voulaient davantage au phénomène d'embourgeoisement du quartier qu'à la boutique elle-même. Un an plus tard, les gens savent à quel point la musique nous tient à coeur. Nous faisons une fois par mois un gros concert gratuit dans la boutique. Tous nos employés sont musiciens ou maniaques de musique. On ne peut pas faire plaisir à tout le monde, mais je crois que nous nous sommes vraiment bien intégrés au quartier. Nous avons créé un véritable espace culturel. Les gens ont décrié le fait que nous vendions des vêtements chers. Mais lorsqu'ils apprennent que tous les profits de cette boutique sont réinvestis dans la musique, ils changent leur fusil d'épaule.»

Parmi les projets financés par le 315 Bowery, il y a le tout nouveau concours Free the Noise, mis sur pied en collaboration avec SPIN Earth et Island Records. Le but de l'exercice? Ratisser la planète pour trouver la prochaine sensation rock. «Nous investissons dans la prochaine génération. L'industrie du disque a tellement changé que c'est devenu très difficile pour les artistes indépendants d'obtenir l'attention ou le financement qu'il faut pour enregistrer un album ou pour faire une tournée. Il y a déjà des milliers de groupes qui ont téléchargé leur musique sur le site, mais seuls trois groupes participeront à la finale, qui aura lieu à New York en septembre, pendant la Fashion Week. Pour nous, ce n'est rien de financer ce projet, mais pour les gagnants, c'est vraiment intéressant.»

Qui sait, peut-être que les prochaines vedettes du rock se trouvent au Québec. Pour en savoir plus sur le concours Free the Noise: spinearth.tv/freethenoise.

Photo: André Pichette, La Presse

Le designer John Varvatos en compagnie des membres du groupe The Stills.