En pleine crise du secteur textile, la plus grande usine de jeans d'Europe implantée à Matino résiste tant bien que mal grâce à des clients qui viennent chercher au fin fond des Pouilles italiennes son savoir-faire unique pour user, déchirer et «cirer» leurs denims.

Si elle produit encore 1,5 million de jeans à l'année dans ses quelque 50 000 m2 d'ateliers, la Romano Spa, comme toute la filière mode, n'a pas été épargnée par la crise et affiche un chiffre d'affaires en constante baisse depuis trois ans (25 millions d'euros pour 2008, contre 220 millions en 2004).«Nous sommes toujours la plus grande usine de jeans d'Europe. Mais les ventes de jeans ont baissé de 20 à 30% en UE, c'est énorme. Nous ressentons de façon terrible les effets de cette crise, d'autant qu'elle est là depuis deux ou trois ans déjà», résume Augusto Romano, président du groupe créé en 1967 par son père à l'extrême sud de l'Italie.

«Mais on commence à sentir de petits signes positifs, en septembre il devrait y avoir un début de reprise. Le vrai défi va être de comprendre comment les clients vont se comporter après la crise, si leur mode de consommation aura changé», explique-t-il à l'AFP.

Dans un des entrepôts, des énormes machines à laver tournent non stop, laissant entrevoir par leur gros hublot des masses de tissu bleu foncé. Des chariots traînent, remplis de petites pierres qui servent à donner l'aspect usé aux jeans.

«A partir du tissu brut, nous exécutons toutes les étapes de fabrication d'un jeans: découpage, assemblage, teinture, lavage, repassage. Chaque pièce est entièrement faite à la main, une par une, il faut de sept à huit heures pour produire un jeans, composé en moyenne de 16 pièces et exécuté en 14 tailles», explique le jeune pdg de 37 ans.

Une fois cousu, le jeans est enfilé sur des «jambes gonflables» pour la coloration finale ou le traitement «aspect ciré», teinture et résine étant diffusées au pistolet par le nec plus ultra de la main d'oeuvre: des anciens carrossiers «qui maîtrisent idéalement le geste adéquat».

La Romano Spa, qui a créé en 1994 sa propre marque Meltin'Pot - 40 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2008 - produit des jeans pour une quinzaine de marques prestigieuses, dont la française Notify ou encore Karl Lagerfeld, Stella McCartney et Escada.

«Nos clients viennent à Matino chercher notre "know-how", il n'y a rien de comparable au savoir-faire italien. Faire un beau jeans demande beaucoup d'expérience et de travail; déchirer le tissu, l'user et le trouer n'est pas si facile que cela!», souligne Augusto Romano.

«Nous collaborons depuis nos débuts avec la Romano Spa et nos collections ont toujours eu du succès», confie Guila Ohayon, soeur de Maurice Ohayon, le fondateur de Notify - marque de jeans parmi les plus en vue - venue à Matino discuter de nouveaux modèles à réaliser.

«Ce qu'on vient chercher ici, c'est un savoir-faire très particulier qui répond à nos idées, mêmes complexes et novatrices. Ils ne pensent pas qu'à la rentabilité mais s'appliquent à aller jusqu'au bout de nos exigences haut de gamme», résume Mme Ohayon.

La Romano Spa produit environ 100 000 jeans Notify par an, dont le prix de vente moyen oscille entre 200 et 300 euros.

«Notre travail a beaucoup changé ces dernières années», résume Augusto Romano: «avant on nous commandait 100 000 pièces d'un coup, maintenant on nous demande seulement 100 jeans mais comme ceci, ou bien 200 autres comme cela, ou alors un millier de modèles mais dans dix couleurs différentes! Mais on est bien obligés de s'adapter», soupire-t-il.