Depuis lundi, la Semaine de mode de Montréal (SMM) bat son plein. C'est au Marché Bonsecours que se déroule cet exercice saisonnier qui permet aux créateurs d'ici de se réunir sous un même toit afin de dévoiler leurs collections à l'industrie. Le premier à prendre d'assaut la passerelle? Philippe Dubuc, qui a présenté sa vision ultramoderne et graphique de la mode masculine pour l'automne prochain.

La jeune quarantaine, charismatique, beau comme un acteur et fort talentueux, on le croirait bien au-dessus de ses affaires. Pourtant Philippe Dubuc était fébrile avant son défilé. C'est qu'il remontait sur le podium de la SMM pour la première fois depuis le revers financier de 2006 qui l'a forcé à déclarer faillite et à revoir de A à Z le fonctionnement de son entreprise.

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Après sa désolante - et très médiatisée - parenthèse financière, le designer est rapidement remonté en selle. Depuis, il a centralisé ses activités dans la boutique de la rue Saint-Denis, a abandonné la création de sa collection pour femmes, a créé une collection à petit prix pour le détaillant Simons et a conclu une entente de collaboration avec une société belge.

Il demeure d'ailleurs fort discret sur ce partenariat qui lui permet de créer - au sein d'un collectif de designers - une collection féminine destinée au marché européen. Cette collaboration qui le force à mettre en veilleuse sa propre collection pour elle - faute de temps - permettrait actuellement de renflouer les coffres de l'entreprise pour consolider ses bases. En échange, ladite marque bruxelloise s'affaire à promouvoir la griffe Dubuc en Europe en la distribuant dans ses propres points de vente. «La croissance de l'entreprise passera maintenant par l'autofinancement et par l'ouverture de points de vente corporatifs dans des marchés ciblés», affirme-t-il.

Les dubucophiles au rendez-vous

Lundi soir était certainement un moment important pour Dubuc. «Présenter un défilé, c'est comme si c'était chaque fois le premier, a-t-il confié, visiblement nerveux la veille du spectacle. En plus, il y a une énorme pression dans le fait de présenter à Montréal. Mais tout ça, c'est bon pour la création puisque ça nous met en danger!» En ouverture de la SMM, le designer a fait salle comble, sans grande surprise... Récession et restructuration obligent, la présentation était plus sobre et intimiste que ce à quoi nous a habitués Dubuc à une certaine époque, alors que les happenings à grand déploiement étaient devenus sa marque de commerce. N'empêche, cela aura eu le mérite de laisser toute la place à ses créations.

Une armée de clones a donc présenté une collection monochrome sur le thème de l'homme hybride. Ce mâle urbain flirte avec le mélange des genres et puise dans une garde-robe à la fois structurée et déconstruite. Il porte des vêtements tantôt empesés, tantôt fluides; des mailles grossières ou façon poids plume. La pièce clé de la saison? «Le pantalon à plis à jambe étroite, affirme d'emblée le designer. C'est une version actuelle de ce classique qui permet de l'aisance au niveau des cuisses pour s'étriquer à partir du genou vers le bas.» Autre design audacieux? Le pantalon à braguette asymétrique, preuve qu'il est encore possible de pousser le design masculin d'un cran.

Encore et toujours, le créateur mise sur des étoffes singulières: coton enduit, laine laquée et feutre bi-extensible. L'une des matières vedettes de la collection est sans conteste le molleton, qu'il ne se contente pas de travailler dans son aspect brut. «Nous le lavons et le trempons dans l'eau chaude afin de faire gonfler les coutures pour un touché plus moelleux», explique-t-il. Imprévisible, ce coton ouaté est travaillé de façon structurée et devient pantalon de treillis, paletot ou parka. Dubuc ponctue sa collection de touches de glamour en osant ramener la fourrure dans le vestiaire masculin. Coup de coeur pour un gros pull blousant en renard avec manches en maille côtelée.

Çà et là, des codes chers à Dubuc jalonnent la collection. Il détourne à nouveau le pantalon smoking, pimente la veste de costume de détails presque imperceptibles comme un double revers ou une poche arrondie, et juxtapose d'improbables matières comme le coton craquant et la laine. Le complet est encore à l'avant-scène, taillé dans des matières brillantes, toujours étriqué et très près du corps.

Au final, on redécouvre Dubuc, un designer dont le travail repose en partie sur des techniques tailleurs classiques, mais qui fait confiance à son flair indiscutable pour zester le tout d'audace calculée.