Pour la première fois, Anne-Marie Chagnon ouvre les portes de son atelier de la rue Casgrain et dévoile son univers foisonnant, où elle crée ses bijoux contemporains uniques, prisés aux quatre coins du monde.

Anne-Marie Chagnon, timide? Pas vraiment. Espiègle, dotée d'un rire communicatif et débordante d'énergie créatrice, la designer de bijoux a pourtant toujours gardé assez secrètement les portes de son royaume. La Presse a eu le privilège unique d'y passer quelques heures en compagnie de l'artiste et de son frère, David Chagnon, directeur général de la société.

Une trentaine d'employés fourmillent dans les quartiers d'Anne-Marie Chagnon, situés en plein coeur du Mile End. Tout le processus de confection des bijoux y est réglé au quart de tour: fabrication des échantillons, contrôle de la qualité, atelier de production, inventaires. Et ce, en restant fidèle à l'esthétique de la designer, dont toutes les pièces uniques sont assemblées à la main.

Au détour d'un couloir, nous voici dans l'antre de la créatrice: un grand atelier calme et aéré, ponctué de toiles, d'objets et de souvenirs hétéroclites, véritable microcosme où les créations d'Anne-Marie Chagnon prennent vie. À l'entrée, un grand canapé et une table où sont posés des dizaines d'ouvrages. «C'est mon petit coin, j'aime beaucoup y feuilleter des livres de tous les genres. Mais je ne le fais pas lorsque je suis en processus créatif: je suis une éponge et je veux éviter de me faire influencer!», explique-t-elle.

Enfant, Anne-Marie Chagnon a déjà l'âme d'une artiste. Fille d'un ingénieur, elle a un faible pour la mécanique, les assemblages. «Très jeune, je rentrais de l'école et j'allais dans ma chambre faire du bricolage, c'était ma façon de m'exprimer, se souvient-elle. Sur ma photo de 6e année, je porte des boucles d'oreilles que j'ai faites; j'avais découpé une vieille chaîne, que j'avais soudée avec le fer à souder de mon père.»

La designer se considère d'ailleurs comme artiste plutôt que joaillière ou bijoutière, comme en témoignent les dessins et toiles affichés dans son atelier. «Ce sont des vases communicants. Pour moi, tout est lié; il y a beaucoup d'idées de bijoux qui me sont venues en faisant des dessins. Quand je finis d'assembler un bijou, il faut que j'aie la même émotion que devant un tableau que je viens de terminer. C'est ainsi que la magie opère.»

Ses pièces, à la fois massives et délicates, mécaniques et organiques, prennent d'abord vie dans son imaginaire foisonnant. «Je suis toujours en ébullition! Un livre qui me représente bien est Catching the Big Fish, de David Lynch. Il y parle de méditation, d'apprivoiser le processus créatif. Lorsqu'on est ouvert, qu'on se laisse imbiber de tout ce qui est autour, les idées viennent naturellement.»

Ensuite, c'est l'heure de coucher les idées sur papier. Elle nous montre un cahier rempli de notes, de gribouillis, de dessins et de couleurs, qui évoluent en visions de plus en plus claires au fil des pages. Puis, il faut passer au tangible, à la matière. C'est d'abord dans la cire que les différentes formes s'imbriquant dans ses bijoux seront sculptées. «C'est là que je découvre si mes idées fonctionnent ou pas!», lance-t-elle en riant.

Au fil du temps, la designer a créé des liens avec plusieurs artisans qui travaillent les matières comme l'étain et le verre. Ces derniers ont la délicate tâche de produire des morceaux à partir de ses pièces maîtresses, tirées des prototypes en cire. Le résultat atterrira, après plusieurs essais et modifications, entre les mains de fée des employés qui assemblent ensuite les bijoux, selon un cahier de méthode très précis.

Mais, à ce moment, Anne-Marie Chagnon a déjà la tête ailleurs, dans sa future collection.

Ça reste dans la famille

Il y a trois ans, David Chagnon, alors cadre chez Bombardier, reçoit un coup de fil de sa soeur. Sa proposition: l'embaucher comme directeur général de l'entreprise. «La société a grossi et tout le temps qu'Anne-Marie passait à s'occuper de la gestion, elle ne le passait pas à créer des bijoux. L'ayant vu évoluer depuis 15 ans, je sais que sa créativité ne s'épuisera pas de sitôt, qu'il y a du potentiel.»

Sa tâche? Continuer à faire progresser les affaires et à maximiser le rayonnement de ses bijoux, partout dans le monde. «C'est une créatrice de classe mondiale!», lance-t-il. À son grand plaisir, elle peut ainsi consacrer plus de temps à la création sous toutes ses formes, elle qui caresse le projet de lancer une collection de bijoux destinée aux galeries d'art. Le public aura d'ailleurs la chance de découvrir son univers artistique dans le cadre d'une exposition prévue à la galerie CRÉA l'automne prochain.

En quelques mots

Nom: Anne-Marie Chagnon

Profession: Artiste et designer de bijoux

Lieu de naissance: Montréal

Études: Arts visuels à l'UQAM

Société créée en: 1995

Réalisation: Crée depuis 10 ans des collections spéciales pour le Cirque du Soleil

Présente dans 500 boutiques dans le monde (États-Unis, Japon, France, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas, Chine)

Points de vente à Montréal: Musée d'art contemporain, Musée des beaux-arts, Kallyana Montréal, Bijoux l'inédit, Fet'Art, Jules Perrier, Soho, L'Art des artisans du Québec

En ligne: etsy.com/shop/AnneMarieChagnon