Dès qu'on a mis les pieds chez Alma, j'ai entendu le vacarme et je me suis dit qu'on avait ici un petit défi. Une rumeur folle de convives animés, joyeux, de la musique en plus de tout ça, pas nécessairement du jazz sulfureux, mais plutôt quelque chose de bien rythmé, qui réveille.

Je n'ai pas sorti mon compteur de décibels, mais ça devait ressembler au niveau d'une moto rétro qui passe. Exactement l'inverse de ce qu'il faut quand on est avec quelqu'un qui se rappelle où elle était le jour du couronnement d'Élisabeth II, voire du débarquement de Normandie...

La maître d'hôtel, sommelière et copropriétaire qui nous a accueillies a vite compris la situation. Et c'est là que la terrasse, fermée pour cause de risque de pluie, s'est imposée comme solution de rechange. En deux minutes, toutes les gouttes de la dernière ondée étaient séchées et le repas, lancé.

Et ce fut une magnifique soirée.

Une dernière, volée aux fraîcheurs d'automne.

On a fini par faire allumer les colonnes calorifères, mais juste vers la toute fin. Je parie qu'on pourra ainsi durer jusqu'en novembre dans ce charmant lieu d'Outremont, au coeur d'une zone résidentielle où l'on se plaît à observer la diversité des passants. Un enfant en planche à roulettes, une grand-mère à vélo, un membre de la communauté hassidique avec son immense chapeau traditionnel de fourrure qui éclate de rire en regardant son cellulaire.

Alma, c'est la table qui a pris la place, avenue Lajoie, entre Bloomfield et Champagneur, d'un ancien restaurant thaïlandais. On y est en marge de l'avenue Bernard, dans une microzone commerciale nichée entre des quadruplex cossus dont on aperçoit les boiseries de chêne par les fenêtres à vitraux. Cela pourrait vouloir dire qu'il n'y a aucune action urbaine à observer, à sentir, mais ce n'est pas le cas du tout. La densité des lieux offre quelque chose d'européen.

Au menu d'Alma, lancé par le chef de Farine, Juan Lopez Luna, et Lindsay Brennan - sommelière et importatrice -, il y a du vin, et encore du vin, c'est l'identité de l'établissement. Des vins naturels, des vins biologiques, des vins préparés avec du raisin cultivé en biodynamie, du vin de petits producteurs.

Et on a un parti pris pour la Catalogne, celle qui traverse la frontière entre la France et l'Espagne, et c'est ce qui trace aussi pas mal le menu, même si des plats un peu à l'italienne s'y font une place aussi. On les commande façon tapas, on partage. Tout pour rendre le repas hyper convivial.

En deux visites, j'ai préféré ceux-ci:

- Le fenouil «à la Yoyo» coupé en petits morceaux prêts à être mangés avec les doigts, simplement enrobés d'huile d'olive, sel et jus de citron. Toute simple et parfaitement fraîche et verte entrée en matière en prenant l'apéro.

- La burrata avec tomates cerises grillées et vin cuit. La tomate et les herbes surtout - des pousses, d'immenses feuilles de basilic ultrasoyeux - donnent au plat un goût d'été, tandis que le gras du fromage, une mozzarella farcie à la crème, et le croustillant de la chapelure nous amènent doucement vers l'automne. Un classique ajusté qui se laisse facilement adorer.

- Les carottes rôties au miel d'Anicet, présentées avec leurs queues façon Bugs Bunny, que l'on accompagne de ricotta maison. Là encore, on combine fromage frais, amplement de feuilles du marché - dont ce basilic aux grosses feuilles charnues - et fraîcheur légumière. La carotte résiste encore un peu sous la dent. Juste assez.

- Des piments shishito grillés - des piments verts doux parfois aléatoirement ponctués d'un intrus piquant, mais on n'y a pas eu droit dans notre assiette - et servis avec de la crème fumée et de la pancetta. On aime que les légumes s'abandonnent en quelques bouchées, mous et moelleux, rehaussés par les morceaux de charcuterie et une forêt de micropousses, un peu de chapelure. Les garnitures se ressemblent d'un plat à l'autre, certes.

- Un poulpe grillé qui fondait en bouche, déposé sur des pommes de terre à la sauce au paprika fumé, les fameuses patatas bravas servies partout en Catalogne.

- Grand coup de coeur aussi pour le gâteau au chocolat, façon carré de brownie, servi avec une généreuse louche de marmelade aux gros morceaux de fruits avec leur écorce. Amertume, sucre, parfums acidulés des agrumes en contraste avec la profondeur riche et onctueuse du gâteau au chocolat noir. Jolie présentation avec pétales de fleurs. Miam!

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

La salle à manger est composée de tables-comptoirs avec tabourets élégants et modernes, tout noirs, et éclairées par des lampes de verre blanches.

Alma. 1231, avenue Lajoie, Montréal. 514 543-1363. almamontreal.com

Notre verdict

Prix: Plats à partager entre 9 $ et 26 $. Snacks entre 5 $ et 12 $.

Carte des vins: Ici, on adore la Catalogne, les vins nature, le bio, la biodynamie, les petits producteurs, les vins au verre qui changent, les explications claires et invitantes.

Service: Souriant et efficace, fin.

Atmosphère: Très chaleureux, très bruyant. À ne pas choisir si on veut se chuchoter des mots doux à l'oreille. Mais le lieu est visiblement très apprécié de la clientèle du quartier, des milléniaux, des X, pas beaucoup de baby-boomers.

Décor: Un mur de briques, des tables de bois, des tables-comptoirs avec tabourets élégants et modernes, tout noirs, des lampes de verre blanches. On est dans un troquet moderne qui transmet les échos chaleureux de l'immeuble d'un autre siècle, sans faux pas. Jolie terrasse avec beaucoup de chaufferettes pour prolonger l'automne, façon été.

Plus: La chaleureuse cuisine et les vins.

Moins: Le niveau de bruit.

On y retourne? Oui.

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse

Gâteau au chocolat, façon carré de brownie, servi avec une généreuse louche de marmelade aux gros morceaux de fruits avec leur écorce