Il y a dans chaque plat du Pastel une qualité éminemment photogénique. Des couleurs pastel, justement, des lignes géométriques, des motifs. On a envie de tout capturer en image et de tout poser sur Instagram, et c'est ce que faisaient justement les deux jeunes femmes de la table d'à côté.

Mais une fois les oh! et les ah! esthétiques passés, que reste-t-il?

Il reste une cuisine savoureuse, fine, techniquement ultraprécise, qui fait d'un repas à la nouvelle table de Jason Morris et de Kabir Kapoor - les deux âmes du Fantôme, dans Griffintown - une nouvelle destination maintenant dans le Vieux-Montréal, à ne pas manquer.

J'y suis allée à deux occasions.

Une fois pour manger au comptoir avec une amie. On a pris alors deux plats à la carte, suivis d'un dessert, et on s'en est sorties avec une addition correcte et le genre d'estomac relax qui dort bien, le tout couronné par un grand sourire.

Une autre fois, j'y ai plongé carrément dans le menu dégustation, en suivant la recommandation de la serveuse qui me promettait une version sans viande, aménagée selon les poissons et les légumes du moment.

Ce fut aussi un grand succès. Pas mal plus cher toutefois. Mais un repas que je recommanderais à quiconque a une occasion à célébrer.

Pastel est un restaurant qui, si on était dans un pays Michelin, viserait les étoiles. Avec le serveur qui revient dans la seconde replier la serviette du convive parti à la toilette, avec les mignardises et la boîte de chocolats en partant à la fin du repas, avec l'argenterie, les nappes, le menu neuf services, l'aménagement moderne et raffiné d'un bel espace patrimonial du Vieux-Montréal aux très hauts plafonds et l'accueil sans faille de Kabir Kapoor.

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L'expérience a commencé par une note annonciatrice de la finesse à venir: un minicornet préparé à partir d'une très mince tranche de topinambour craquante remplie de mousse du tubercule et couronnée par une goutte de gelée de citron, avec une fleur de sauge. On n'en a fait qu'une bouchée, ravis par le contraste de textures et la petite touche de fraîcheur du citron en finale. De la classe, précisément exécutée.

Est arrivé ensuite un plat appelé mosaïque. Pour moi en version végétarienne avec une purée de courge, pour les autres avec du foie gras au torchon. En gros, on trace un mince carré de mousse de légume ou de foie gras dans le fond de l'assiette, que l'on décore de morceaux de betteraves, de poire asiatique, de noisettes grillées, de pétales de fleurs. La présentation est spectaculaire. Je vous mets au défi de ne pas envoyer ça directement en photo sur les réseaux sociaux. Les textures et les niveaux de sucre et d'acidité jouent aussi les uns avec les autres, avec des pointes acidulées et poivrées apportées par les pétales. Encore bravo.

Et ça continue. Avec un minitartare de thon - deux sortes de chair, la longe et la tête, celle-ci à peine liée par une goutte d'huile d'olive - déposé sur un bloc de riz à sushi dont une des façades a été passée à la flamme, le tout décoré avec un minuscule carré translucide qui s'avère être du pur raifort. Splendide flash de saveur et esthétique. Puis arrive une terrine végétale en disque au coing, à la courge et à la patate douce, déposée sur une purée de chou-fleur alors que mes invités mangent la version canard et champignons, élégamment laquée, qui est particulièrement riche et réconfortante, façon forêt d'automne en trois bouchées. Les présentations sont ultraminutieuses. Les jus de finition versés séparément.

Et puis arrivent les gnocchis. Et là, tout le monde à la table s'exclame de joie. Parce que les pâtes à la pomme de terre et aux épinards sont en version mini et rebondissent bien sous la dent, parce que c'est présenté sur une combinaison de sabayon aux herbes vinaigré et une sphérification de tomate qu'on fait éclater sous la fourchette, et dont l'acidité vient juste rehausser le côté soyeux des bonbons de pâtes. Le plat réussit l'acrobatie de combiner richesse et fraîcheur.

Et ce n'est pas terminé.

Il y a encore un plat de saumon avec une sauce au raifort, du boeuf en deux temps, du flétan magnifiquement fondant sous une couverture de feuilles d'épinard qui viennent à peine de s'abandonner sous la chaleur du poisson, gentiment taquinées par le craquant de quelques grains de quinoa soufflé. Chaque assiette est finement dessinée et les cuissons sont impeccables.

Il n'y a que les desserts qui nous ont un peu déçus. Une combinaison de fraises grillées avec du beurre de chèvre fondu qui manque d'intensité, une composition de yaourt aux cerises avec du porto peu parfumée, peu diaphane, une fort jolie mais un peu banale tranche de pain perdu aux noix de Grenoble, une composition au lait au chocolat et aux noisettes qui ne réinvente pas le genre. On sent l'effort. Encore une fois, les présentations sont exquises. C'est en bouche que la fête s'atténue, nos attentes peut-être trop portées par l'excellence de tout le premier temps du repas.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Combinaison de fraises grillées avec du beurre de chèvre fondu.

Pastel. 124, avenue McGill, Montréal. 514 395-9015. restopastel.com.

Notre verdict

Prix: Menu dégustation à 110 $ par personne. Plats à la carte entre 15 $ et 50 $.

Carte de vins: Soignée, avec beaucoup de produits bios, naturels, en biodynamie, quelques classiques. On peut choisir de demander des verres en accompagnement pour le menu dégustation.

Service: Très professionnel. On sait répondre aux questions et veiller sur les convives.

Décor et atmosphère: On est dans le Vieux-Montréal, dans un espace aux très hauts plafonds. Comme le nom l'indique, on aime bien les pastels, les craies surtout, et ce thème revient dans la déco, avec des traces sur les murs de briques anciennes et un tableau noir où l'on peut écrire. Dessins sur les murs et lumières en tiges minimalistes suspendues ajoutent des touches modernes. À table, professionnels du quartier et gourmets en quête de photos s'y retrouvent pour essayer cette cuisine non seulement savoureuse, mais hautement instagrammable.

Plus: Le service soigné, les présentations méticuleuses.

Moins: Les desserts moins spectaculaires que les plats salés.

On y retourne? Oui.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le service est très professionnel. On sait répondre aux questions et veiller sur les convives.