Il y a des restaurants quasi parfaits et des restaurants nuls, irrécupérables. Il y a des restaurants bof, qui ne déclenchent aucune passion, juste de l'ennui. Il y a des restaurants qu'on aime détester malgré leurs qualités et d'autres qu'on aime d'amour malgré leurs défauts.

Et il y a des restaurants qu'on aimerait adorer et qui ont mille atouts, mais qui nous laissent toujours un peu perplexes.

C'est ainsi que je me sens face aux restaurants d'Antonio Park, en commençant par le Lavanderia, rouvert depuis quelques mois après avoir été détruit par le feu l'hiver dernier.

Il y a plusieurs raisons d'aimer cet établissement et encore plus d'apprécier ce chef sympathique d'origine coréenne, qui a étudié la cuisine au Japon, mais qui est d'abord né en Argentine où ses parents avaient une entreprise pour transformer le denim en le lavant avec des pierres, ce qui a inspiré le nom du restaurant.

Souriant, omniprésent dans ses restaurants, Park est toujours un plaisir à regarder travailler au comptoir de son adresse éponyme, avenue Victoria à Westmount, où il prépare des sushis, sashimis et autres plats minutieux de ses menus servis façon omakase (propositions du chef).

Il importe plusieurs produits du Japon, trie sur le volet ceux qu'il prend ici. C'est vrai chez Park, une table plus asiatique, et c'est vrai chez Lavanderia, voisine de l'autre et consacrée aux origines sud-américaines du chef, plus précisément d'Argentine, pays connu pour ses grillades sur le bois.

À notre dernier passage chez Lavanderia, il y restait du boeuf wagyu que le chef avait fait venir du Japon pour le week-end du Grand Prix, porteur de bien des visiteurs.

C'était d'ailleurs un très beau plat. Évidemment, le prix était au rendez-vous aussi: 85 $ l'assiette. Mais la viande hautement savoureuse fondait en bouche. Ça, c'est clair. Et pour l'accompagner, on avait choisi des morilles, des asperges de saison... Est-ce que ça valait le prix?

C'est là que je vais commencer à parler des raisons pour lesquelles j'aimerais adorer tout ça, je vous l'ai dit, sans y arriver.

Quand on demande des prix de la sorte, il faut plus qu'une pièce de viande grillée toute nue dans une assiette. Il faut aussi un décor, un écrin, où l'on sent que des efforts ont été consacrés, par des professionnels.

Des jeans accrochés au mur? On comprend la raison. Mais est-ce réussi? Je vous laisse deviner. Et cet éclairage: a-t-on vraiment besoin d'autant de watts?

Pour ce boeuf, il faut aussi un service. La gentillesse extrême du serveur qui s'est occupé de nous à notre dernier passage était remarquable. Mais on veut aussi un sommelier qui nous parle des vins, qui n'oublie pas de nous apporter du vin, qui bâtit une carte prête à accompagner du boeuf aussi grandiose. Ne serait-il pas essentiel, pour lui faire honneur, qu'il y ait autre chose, au verre, en marge des trois options de vin bon marché de la carte?

Pour tout dire, l'une des grandes faiblesses des restaurants d'Antonio Park, c'est le vin. Chez Lavanderia, on propose plusieurs crus argentins, ce qui est intéressant. Mais peut-on en savoir plus sur ces produits quand on pose des questions? Y a-t-il des petits producteurs qui ont une histoire dans tout ça? Y a-t-il des vins naturels? On met de l'avant la présence d'importations privées comme gage de qualité. Mais ça ne veut plus dire grand-chose.

Reste que dans l'assiette, Lavanderia ne déçoit pas.

En entrée, une magnifique salade très simple, très fraîche, très savoureuse, de chayotte et de jicama, deux légumes tropicaux finement tranchés qui craquent sous la dent, accompagnés de laitue frisée amère, des noix de pin et d'oignons rouges très doux. Juste assez salée, cette salade remplit la bouche de saveurs exotiques tout en ouvrant l'appétit. Bravo.

Une entrée d'asperges gratinées à la porchetta, costaude, réconforte et évoque l'Italie, forte influence en Argentine. Idem pour la classique salade de tomates cerises avec mozzarella fraîche, fior di latte, où les ingrédients impeccables assoient solidement cet incontournable.

Toujours un peu en Italie, cette «pizza» appelée fugazza, la focaccia argentine, nous fait découvrir une pâte fermentée, très spongieuse, levée et préparée dans une poêle. On la sert avec une montagne de jambon cru, un peu de tomate, du parmesan. L'ado à table a grandement apprécié.

Le poisson du jour, un espadon grillé servi sur une sauce huancaina, spécialité péruvienne, modifiée, brille par sa cuisson encore rose. La clé de sa sauce: sa couleur jaune, qui vient du piment aji utilisé pour la parfumer. Dans la version originale, on utilise aussi du fromage blanc. Chez Lavanderia on ajoute de l'oeuf dur, de la ciboulette, on flirte avec la sauce gribiche. Le résultat est concluant.

Avions-nous faim après tout cela?

Pas beaucoup, mais assez pour commander deux desserts. Quand on sait que c'est Bertrand Bazin, grand pâtissier et ancien du 357C, qui veille sur la partie sucrée du menu, il faut se garder de la place. Surtout qu'il s'éclate sur le thème tropical... On ajoute ainsi de la banane à la création spectaculaire au chocolat, une mini bombe toute lustrée accompagnée de crumble et de glace, ou encore, mon préféré, un pavlova à l'ananas et aux fruits de la passion, où un disque de meringue est surmonté par la traditionnelle chantilly mais aussi une tuile géante d'ananas croquant.

Ça, c'est vraiment à la hauteur des attentes. Il faudrait juste maintenant que tout le reste de l'emballage soit aussi précis et soigné.

Photo André Pichette, La Presse

Sur la partie sucrée du menu, on retrouve un pavlova à l'ananas et aux fruits de la passion, où un disque de meringue est surmonté par la traditionnelle chantilly mais aussi une tuile géante d'ananas croquant.

Lavanderia. 374, avenue Victoria, Westmount. 514 303-4123. https://www.lavanderiaresto.com/

Notre verdict

• Prix: entrées entre 5 $ et 14 $. Plats entre 19 $ et 37 $. Boeuf wagyu: 85 $.

• Carte de vins: beaucoup de crus argentins. Mais peu de vins au verre, peu de souplesse, peu d'explications. Cocktails d'inspiration sud-américaine, donc pisco sour, caipirinhia, vodka-maté et compagnie.

• Service: affairé et vraiment très gentil. Mais on aimerait une sommelière pour répondre aux questions et faire vivre la carte.

• Atmosphère: lumière forte, atmosphère moins forte. Des blue-jeans accrochés aux murs pour évoquer la fameuse «lavanderia» de denim dont le lieu tire son nom. Des gens du quartier et des touristes. Faune plutôt X, plutôt baby-boomer.

• Plus: les desserts!

• Moins: le vin.

• On y retourne? Pour la salade de jicama-chayotte et le pavlova.

Photo André Pichette, La Presse