Ouvert dans la côte d'Abraham l'été dernier, Albacore est l'affaire d'un trio de restaurateurs précédés par des réputations forgées dans de bonnes adresses de Québec, comme L'affaire est ketchup et Kraken cru. Ce restaurant se présente dans un cadre un brin plus raffiné, mais tout aussi sympa, décontracté et festif que ses établissements frères, et s'avère une table savoureuse qui fait la fête aux produits de la mer.

Il n'y a pas à dire, François Jobin, Benoît Fortin et Olivier Lescelleur St-Cyr ne manquent pas d'idées, et elles sont bonnes. Ils possèdent un talent certain pour créer des restos à l'ambiance festive où l'on devient vite copain avec le personnel et où la nourriture est à la hauteur de l'atmosphère: généreuse, bien travaillée, mais sans jamais se prendre trop au sérieux. Et c'est ce qui fait leur succès.

Décor épuré, carte évolutive

Pour ce premier projet en haute-ville, le trio a investi l'ancien Mexway dans la côte d'Abraham, et lui a fait subir une transformation bienvenue.

Une cuisine ouverte - un élément récurrent dans les établissements du groupe - trône à l'entrée du restaurant. Le reste du local, qui se divise en deux espaces, ne donne pas dans la surenchère. Épuré et soigné, le décor en noir et blanc est dominé par deux éléments principaux: un mur où sont accrochées des photographies et, côté bar, un immense poisson «pirate» noir peint sur un mur de briques blanches.

En cuisine, c'est le chef Benoît Poliquin qui mène le bal. Ce dernier est passé par le Versa avant de s'associer au projet, pour lequel il a reçu carte blanche. Comme son nom le laisse deviner, Albacore construit son offre autour des produits de la mer, mais ne s'y limite pas, offrant une belle variété à ceux qui apprécient moins les poissons ou les fruits de mer, dont plusieurs viandes et quelques options végétariennes (pour la petite histoire, le nom fait aussi référence à la série animée des années 80 Albator, dont les quarantenaires de ce monde se souviendront sans mal).

Bref, il y en a pour tous les goûts sur la carte qui change quelques fois par année, où l'on peut tout autant opter pour un service plus traditionnel - entrée, plat principal - que tout partager à la bonne franquette.

Le soir de notre passage, au début du mois de mars, le menu venait tout juste d'être refaçonné, en prévision de l'arrivée du printemps. D'emblée, nous nous réjouissons d'être quatre à table, ce qui nous permettra d'éviter les déchirants choix entre des plats qui semblent tous aussi appétissants les uns que les autres: ceviche de pétoncles, poulet frit, crevettes d'Argentine marinées, pieuvre rôtie, steak d'espadon, duo d'agneau québécois, ris de veau...

Heureusement, notre serveur, à la bonne humeur contagieuse, relaxe, mais avenant, sait bien nous conseiller.

Poissons et compagnie

Tout amateur d'huîtres devra commencer son repas ici avec les arrivages de coquillages du moment. Ce soir-là, ce sont celles de l'Île-du-Prince-Édouard qui sont au menu. Avec leur mignonnette, elles sont «magiques», selon les mots utilisés à table. La prochaine fois, il faudra essayer les alléchantes Rockefeller Albacore avec épinards, maquereau fumé et gratin de fromage québécois Hercule.

Nous accompagnons le tout du fort bien nommé Attention Chenin Méchant, un blanc de la Loire presque trop facile à boire, bien équilibré et mordant. Un bon reflet d'une carte des vins accessible et qui touche un peu à tout, signée par le sommelier Olivier Lescelleur St-Cyr.

Rapidement, nos quatre entrées se posent sur la table, et offrent une belle idée du type de nourriture dont on se régale ici: des plats bien pensés, dont les éléments complémentaires se marient pour un résultat probant et savoureux.

Les plats de dumplings de poisson, légers et aériens dans leur bouillon de porc aux algues et champignons (le goût prononcé de gingembre pourrait toutefois déplaire à certains), et de ceviche de pétoncles, servi dans un coquillage, hyper frais et bien acidulé avec ses morceaux de pomme verte et de basilic, sont faciles à aimer.

Surprenante et inventive, l'entrée végétarienne Champignons dans les bois fait mouche avec son flanc de morilles à l'ail noir - une belle idée pour déguster les champignons autrement - surmonté de matsutakes déshydratés et d'armillaires marinés au vinaigre de citron. La seule critique? Il manquait de croûtons, un problème vite réglé.

Dans notre assiette, on fait la fête aux crevettes d'Argentine marinées, belles, dodues, parfaitement tendres sous la dent, bien accompagnées de choux de Bruxelles frits, légèrement épicés au sambal oelek, et de yogourt au céleri-rave. On croit deviner le beau temps à venir avec cette composition savoureuse, tout en fraîcheur.

Plaisirs gustatifs

Le plaisir se poursuit à l'étape du plat principal. Faisant fi de la belle offre de produits de la mer, nous avons opté pour un nouveau plat, chaudement conseillé par notre serveur, une «tarte» jurassienne au boudin noir. Le carré de boudin, moelleux, est déposé sur un pain naan, avec des oignons et des poireaux gratinés au fromage comté, le tout surmonté d'une sauce crémeuse de morilles et vin jaune. C'est riche, opulent, savoureux. Seul faux pas: la présence de grains de sable dans les champignons, nettoyés un peu trop vite.

Le partage se poursuit à table, et les plats passent d'une personne à l'autre. Généreuse, l'aile de raie, tendre et cuite à la perfection, est fourrée à la mousse de pétoncles et accompagnée d'acras de morue. Les saveurs sont délicates, un peu trop peut-être (on a du mal à déceler les pétoncles), mais le plat se tient. Le steak d'espadon, plus simple dans sa composition, est tout de même satisfaisant, déposé sur un risotto aux légumes bien réussi.

On aime particulièrement une autre nouveauté, le duo de pieuvre pochée, marinée et rôtie et de poulet fumé à chaud, une belle combinaison de protéines servie sur une salade tiède de lentilles béluga, et joliment relevée par une crème fraîche au pimenton. Le genre de plat qui devient un classique instantané.

Le dessert atterrit sur nos estomacs déjà bien repus, mais on se laisse vite gagner, jusqu'à tout manger (à quatre, c'est plus facile!), par un cheese-cake au fromage de chèvre, servi avec compote de fraise, glace à la pistache et noix caramélisées à l'érable, une belle cohabitation de textures et de saveurs. Une conclusion parfaite pour un repas des plus satisfaisants!

Avant Albacore en haute-ville, il y avait déjà, dans Saint-Roch, L'affaire est ketchup, Patente et Machin ainsi que le Kraken cru, des établissements dont la popularité ne se dément pas et qui contribuent à la vitalité du quartier. Le groupe de restaurants compte aussi un petit dernier: Le Ket'chose (auparavant Le délit de fuite), une buvette de Limoilou qui s'ajoute à la liste d'endroits à visiter dans la capitale - une liste de plus en plus longue, car la ville de Québec est franchement en ébullition depuis quelque temps côté restauration.

Photo Pascal Ratthé, Le Soleil

Épuré et soigné, le décor en noir et blanc du Albacore est dominé par deux éléments principaux: un mur où sont accrochées des photographies et, côté bar, un immense poisson «pirate» noir peint sur un mur de briques blanches.

Albacore. 819, côte d'Abraham, Québec. 418 914-6441. https://www.facebook.com/Restaurant-Albacore-1039494092851676/

Notre verdict

Prix: raisonnables pour la qualité. 16 $ pour 6 huîtres sur écailles, entre 13 $ et 18 $ pour les entrées, entre 27 $ et 34 $ pour les plats principaux.

Carte des vins: belle sélection, pour tous les goûts, avec un accent sur les vins blancs et les bulles. Une dizaine de choix au verre.

Service: sympathique et décontracté, tout en restant avenant et à l'écoute.

Décor et ambiance: décor plus épuré et cadre plus raffiné que dans les autres établissements du groupe, mais une ambiance qui donne toujours autant l'envie de faire la fête.

On aime: l'ambiance, le service, la maîtrise des saveurs, l'inventivité de certains plats.

On aime moins: certaines assiettes qui, sans être mauvaises, sont moins mémorables, le sable dans nos morilles.

On y retourne? De passage à Québec, surtout à l'été, pour profiter de la belle terrasse idéalement située.

Photo Pascal Ratthé, Le Soleil

Ouvert dans la côte d'Abraham l'été dernier, Albacore est l'affaire d'un trio de restaurateurs précédés par des réputations forgées dans de bonnes adresses de Québec, comme L'affaire est ketchup et Kraken cru.