Pour plusieurs raisons, j'aurais vraiment aimé avoir un coup de foudre pour Miel, le nouveau restaurant du chef Hakim Chajar, star montante de la cuisine et de la télé culinaire québécoise.

D'abord, le quartier où le gagnant des Chefs! - La revanche, qui a travaillé du Lauréa à Chambre à part, en passant par Balnéa et en commençant par le 357C et le Laurie Raphaël, a choisi de s'installer est fort chouette. On compte trop peu de bonnes petites adresses à Pointe-Saint-Charles, j'étais ravie qu'il s'y pose. Sa table, avec sa jolie terrasse urbaine toute lumineuse, est dans la rue Centre, de biais avec deux églises de pierre, un vieux presbytère tout aussi charmant et il est à côté d'une série de maisons anciennes traversées de portes cochères comme on en voit maintenant rarement à Montréal. On a l'impression de revenir dans le temps et de découvrir un lieu inconnu quand on s'y attarde, si on n'est pas du coin. Ravissant.

Ensuite, Hakim lui-même est un personnage intéressant. D'origine marocaine, arrivé au Québec à l'âge de 12 ans avec ses neuf frères et soeurs - c'est ce que dit sa biographie sur le site de Casa TV, où il a une nouvelle émission - il a fait son chemin dans la cuisine traditionnelle à la française, en faisant non seulement ses classes à l'ITHQ, mais aussi lors de stages en France et en Californie. Ce n'est pas un autodidacte, loin de là. Et il travaille fort. Il vient d'ouvrir ce nouveau restaurant alors qu'il anime aussi La relève à TVA et Hakim Chajar - Inspiration chef à Casa TV.

Mais que se passe-t-il quand on arrive avec un CV aussi impressionnant? On risque de décevoir. Et c'est ce qui s'est passé.

Mes attentes n'ont pas été comblées chez Miel comme ce fut le cas chez Balnéa quand j'ai goûté la cuisine du chef au restaurant du spa à l'époque. Je gardais un meilleur souvenir du Lauréa et du Laurie Raphaël. Dommage.

Qu'est-ce qui m'a fait froncer les sourcils?

De façon générale, les sauces étaient trop présentes. Trop de sauce crémeuse au gingembre sur le tataki de saumon qui n'en a pas besoin puisque la chair du poisson est déjà toute moelleuse. Trop de vinaigrette au miso sur les haricots verts et les amandes torréfiées. On aime l'idée, on aime la poire en contrepoint, mais le tout manque de légèreté, de fraîcheur. Les artichauts poêlés? On les présente avec une vinaigrette à la barigoule, avec des lardons donc. On y ajoute des lichettes de parmesan. La combinaison classique provençale est délicieuse, mais là comme ailleurs, on cherche le croquant du légume, de la luminosité. Peut-être qu'au coeur d'un repas incluant plus de contrastes, le plat fonctionnerait parfaitement, mais dans ce contexte, on sent une certaine redondance. Les cailles? Encore là, on aimerait un peu de craquant dans la petite peau de la mini volaille, être en mesure aussi de savourer la délicatesse de la chair, mais c'est de tout le reste qu'on se rappelle: les poivrons, le maïs, le houmous aux pois verts...

Pendant le repas, juste comme j'étais en train de me demander si c'était moi qui étais trop difficile, une ex-collègue assise à une autre table est venue me voir: «Alors, qu'en penses-tu? Tu ne trouves pas qu'il y a beaucoup trop de sauce avec les gnocchis?»

«Ceux-là, lui ai-je répondu, je ne les ai pas essayés.» Mais l'observation valait presque pour tout le reste.

Si j'avais un conseil à donner au chef, c'est de simplifier ses plats, de varier les textures et de soigner les ingrédients principaux pour les mettre sur un piédestal et ne pas leur faire jouer les quatrièmes violons.

On sent un réel effort pour faire les choses différemment, pour ne pas tomber dans les clichés de l'heure. Vraiment bravo. Maintenant, on attend la prochaine étape de peaufinage.

Avant de conclure, on pourrait parler aussi des huîtres laiteuses au tout début du repas, des mollusques venus de la côte ouest qui n'étaient vraiment pas en saison, sans goût, avec cette consistance étrange qu'on préfère éviter. Il y a eu en outre la décision du maître d'hôtel de déménager la table voisine, créant ainsi un passage trop étroit pour que l'amie assise en face de moi puisse passer le repas sans se faire bousculer à tout instant par le va-et-vient du restaurant. Pourquoi ne pas avoir cherché une autre solution? Pourquoi même pas un petit «nous sommes désolés»? Et il y avait le niveau de bruit qui nous faisait perdre la moitié de la conversation, les vins qui n'ont charmé personne...

Les deux meilleurs éléments du repas? Le dessert au chocolat, qui a été dévoré d'un bout à l'autre, avec son air un peu rétro, mais néanmoins délicieux: pensez chocolats noir et blanc déclinés en ganache, meringue, mousse, glace, gâteau... On l'a préféré au gâteau au fromage à la fraise déconstruit, délicat et accompagné de fraises fraîches, mais servi avec une pâte costaude et sur une assiette couverte de gouttes rouges presque mélodramatiques. Beaucoup d'effets qui tombent à plat. À repenser.

Je vous le dis, j'aurais vraiment aimé aimer ce restaurant, où j'ai d'entrée de jeu apprécié la déco toute simple, avec des photos collées aux murs et un canapé à l'ancienne où je me suis réfugiée du froid. Mais les déceptions ont eu le dessus.

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

La décoration est simple et chaleureuse, avec de grandes photos sur les murs et des canapés.

Miel. 2194, rue Centre, Montréal. 438 381-3838. https://www.facebook.com/RestaurantMiel/

Notre verdict

Prix: Petites assiettes à partager entre 2 $ et 25 $.

Carte de vins: Des efforts ont été mis pour mettre sur pied une jolie carte de crus originaux à prix souvent raisonnables, mais la sélection au verre n'est pas épatante.

Service: Très gentil, mais quelques erreurs de base.

Décoration et atmosphère: On y est allés un jeudi soir et c'était plein. Le niveau de décibels était élevé et on aurait dit que tous les foodies du quartier s'y étaient donné rendez-vous, ce qui rendait l'endroit bien vivant. La déco est simple et chaleureuse, avec de grandes photos sur les murs, des canapés, des chaises dépareillées. Chouette.

Plus: L'effort en cuisine pour présenter un menu original. L'atmosphère animée et chaleureuse dans un coin où il y a trop peu de ce style de table de quartier un peu recherchée.

Moins: La cuisine a besoin de mises au point.

On y retourne? On lui donnera sûrement une deuxième chance. Mais pas tout de suite.

PHOTO SIMON GIROUX, LA PRESSE

Quelques places au bar permettent d'observer les cuisiniers à l'oeuvre.