La soirée, un petit mercredi pas spécial, a commencé par une annonce à la porte: il faudra une heure d'attente.

« - Pourquoi? Il y a toutes sortes de tables vides, on les voit d'ici.

- Elles sont réservées.»

Ah bon. Au téléphone, on nous avait dit que le restaurant, les Enfants Terribles au sommet de la Place Ville Marie, n'acceptait pas les réservations.

Donc, on attend sur la terrasse à côté du resto, au 44e étage de la tour, avec vue spectaculaire. Malheureusement, on n'y fait pas le service aux tables, la liste de vins au verre au bar est courte, c'est bien vide quand les foules estivales ne sont plus au rendez-vous et il n'y a rien à grignoter. Je me dis que les touristes ne doivent pas être particulièrement épatés quand ils viennent ici chercher panorama et hospitalité. Une chance que le spectacle à 360 degrés du soleil se couchant sur la métropole est divin.

Retour en catimini dans le restaurant pour jeter un autre coup d'oeil dans la salle. Encore, il y a des tas de tables vides de tous les formats. «L'attente sera encore longue?», je redemande à l'hôtesse. On me répond que oui, que les tables vides ont été réservées, qu'il y a un problème avec le système de réservation qui a créé ce malentendu.

Ils sont trois derrière le comptoir à multiplier les explications, mais pas les excuses ni les gestes de pardon.

On continue donc à attendre et attendre encore, en buvant un très quelconque cabernet sauvignon californien.

Au bout d'une heure et quart, on nous amène à la table, celle que j'avais remarquée, vide, lors de mes deux premiers passages en salle. On est sur le bord de la fenêtre, la vue illuminée vers le nord-est est remarquable.

On a faim. Je cherche un verre de blanc cette fois pour accompagner le plat de fruits de mer que j'ai commandé. On me propose un chardonnay californien qui devait être à peine moins sucré que le 7 Up de la fille de la table à côté. Puis, un chablis décevant. J'aurais peut-être dû prendre le Kung Fu Girl, un riesling aussi sur la carte des vins au verre.

Je n'ai donc finalement rien bu pour accompagner le plat de pétoncles, que je n'ai pas réellement mangé non plus. Tortillas industrielles en morceaux déposées sur une sauce au cresson fade. Grains de kamut un peu égarés à travers tout cela. Et pétoncles en deux temps - crus d'un côté et très rôtis de l'autre - qui me laissent songeuse. Pourquoi est-ce que le serveur m'a recommandé cette assiette?

Une chance qu'en entrée, la salade César signature Enfants Terribles, avec énormes morceaux de romaine, chips de prosciutto, parmesan et sauce au yogourt, s'était avérée franchement réussie, joliment présentée avec des ingrédients frais et avec tous les équilibres qu'on attend entre la fraîcheur de la crudité, les saveurs salées et protéinées du jambon séché, le crémeux de la sauce...

* * *

J'avoue que je n'ai jamais été une fan de la cuisine des Enfants Terribles, cette chaîne qui a maintenant des succursales à Outremont, Laval et L'Île-des-Soeurs et dont la spécialité semble être de prendre les plats les plus à la mode du moment - des classiques québécois modernisés - pour les resservir sans effort créatif particulier. Macaroni au fromage, poutine, pâté chinois, pouding chômeur, etc.

En revanche, j'ai toujours été impressionnée par la popularité de ces établissements qui sont toujours pleins, toujours animés, et qui ont franchement l'air de rendre tout le monde heureux.

À la Place Ville Marie, c'était effectivement plutôt plein, bien bruyant et les grandes tablées de copains et de familles en fête semblaient absolument ravies.

Donc, j'imagine que le pâté chinois à la joue de boeuf effilochée et au maïs à la crème ne les a pas mis dans le même état dubitatif que celui qui m'a assaillie quand j'ai découvert qu'on le servait avec ketchup et huile de truffe.

Vraiment?

Le sucré-salé acide très prononcé du condiment nord-américain qui s'ajoute au parfum synthétique de la truffe - comme dans toutes les huiles sur le marché -, terreux, suave... Insistant, il tient son bout. On n'en sort pas indifférent.

Pour les plus classiques, vaut mieux choisir la soupe aux courges en entrée, toute simple, à laquelle on n'a qu'à ajouter une pincée de sel, et ensuite le macaroni à la viande gratiné très traditionnel avec ses gros tubes courbés et une sauce au boeuf haché un brin tomatée. Sans faux pas.

Au dessert, on propose un brownie façon «Snickers» qui combine brownie, caramel au beurre salé, «arachides en poudre d'or» et glace à la vanille. Pour reconnaître le goût de la friandise, il faut prendre une bouchée avec un peu de tous les ingrédients, mais la texture du brownie est très présente et ne fait pas partie de la confiserie commerciale, plutôt à base de nougat collant. Donc, l'effet n'est pas tout là. Cette idée de déconstruire une tablette classique ayant été exécutée mille fois ailleurs, on a assez de comparaisons pour dire que celle-là n'est pas la plus réussie.

Vaut mieux commander un petit pouding chômeur, ultra sucré, ultra classique et bien imbibé de sirop, servi chaud avec de la crème glacée. Et le déguster en regardant la vue du 44e étage sur Montréal, qui change d'heure en heure, toujours sublime.

PHOTO ULYSSE LEMERISE, COLLABORATION SPÉCIALE LA PRESSE

Les Enfants Terribles Place Ville Marie. 1, Place Ville Marie, Montréal. 514-544-8884. jesuisunenfantterrible.com

Prix: entrées entre 7 $ et 17 $, plats entre 15 $ et 60 $. Desserts entre 5 $ et 8 $

Vins: carte très variée où les amateurs de grands crus classiques à prix fort trouveront leur compte tout autant que ceux qui préfèrent des bouteilles du Nouveau Monde avec des noms comme Kung Fu Girl ou Boom Boom. Il y a aussi des vins issus de l'agriculture biologique. Le choix au verre est limité.

Service: beaucoup de gentillesse, une fois assis à table. Connaissance des vins surtout gentille aussi. Accueil et gestion des tables: approximatifs.

Ambiance: le lieu est bondé, enjoué, rempli de gens qui ont l'air de s'éclater.

Décor: joli décor moderne qui sert d'écrin élégant à la sublime vue à 360 degrés.

Plus: l'ambiance sympathique et la vue, la vue et encore la vue

Moins: vins et cuisine inégaux

On y retourne? Je vais laisser ça aux autres, qui y vont en grand nombre.

PHOTO ULYSSE LEMERISE, COLLABORATION SPÉCIALE LA PRESSE