Un nouvel apportez-votre-vin qui établit ses pénates dans un chouette local d'Hochelaga-Maisonneuve, c'est toujours tentant. C'est donc avec enthousiasme que je me suis rendue à La Tannerie.

Avec ses tabourets de brasserie, ses peaux de bêtes suspendues au mur et ses planchers qui ont vu neiger, le décor signé Blazys Gérard (Les soeurs grises, Ikanos) fait de jolis clins d'oeil au passé ouvrier du quartier.

L'oeuf écossais et le tartare de canard commandés en entrée ont bien mis la table. Niché dans une coque de chapelure frite bien croquante, ce demi-oeuf dur au coeur encore un peu tendre, enrobé de boudin plutôt que de chair à saucisse comme le classique Scotch egg, est une variation réussie. La chair ferme et sanguine du canard cru est excellente en tartare, et la texture soyeuse des champignons marinés qui l'accompagnent ici fait bien corps avec elle.

Le tartare de boeuf à la viet est moins heureux. Les grains de riz sauvage soufflés mêlés à la viande donnent du relief à la préparation, mais la sauce hoisin la rend trop sucrée. L'utilisation de cette sauce chinoise dans un classique comme le tartare est audacieuse, mais risquée. Il faut savoir doser. En quantité homéopathique, juste assez pour que l'ingrédient rehausse la saveur sans être facilement reconnaissable, ça marcherait peut-être, mais dans ce qu'on nous a servi, cette sauce intense emportait tout sur son passage.

En principal, le plat le moins spectaculaire s'est avéré le plus réussi.

Les gnocchis maison aux champignons étaient tellement enrobés de sauce qu'on peinait à distinguer les gnocchis des champis. L'ensemble, pour tout dire, était assez brun. Mais les gnocchis, à la fois coussinés et aériens, étaient délicieux et la sauce, savoureuse. Une agréable surprise.

Les autres plats, hélas, se sont révélés moins convaincants. Le carré de porc était tendre et bien saisi. La «cassolette de fèves blanches aux lardons» annoncée en accompagnement, par contre, ressemblait plutôt à une portion de fèves au lard de cabane à sucre, baignant dans un jus clair et sucré.

En revanche, les dumplings annoncés en accompagnements des short ribs de boeuf ont volé la vedette. Ces raviolis de pâte à wonton frite bien croustillante, farcis d'une préparation à la ricotta et aux champignons brûlante, sont un pur plaisir. Malheureusement, la viande qu'on aurait voulue tendre et fondante était rétive et fibreuse. Dommage. Plusieurs restaurants montréalais proposent des shorts ribs succulentes, dont la chair glisse sur l'os comme du velours. Cela crée des attentes.

Une curiosité décevante

Le surf and turf composé de calmars farcis au chorizo et d'os à moelle est l'assiette qui avait le plus piqué notre curiosité sur le menu. Hélas, ce fut la plus décevante. Servis sur une planche de bois, cet os fendu sur le long et ces tubes de calmar parsemés de tranches de radis et de fleurons de chou-fleur ont l'allure de ces compositions à la mode qui font de si belles photos. Sauf qu'entre ces calmars fourrés à la saucisse pas très chauds et ce gros os garni d'un mélange de moelle et de chapelure persillée posé sur une purée tiède, on cherchait en vain l'excitation.

Ce n'était pas mauvais, ni désastreux, juste triste. Le genre de plat dont on se dit à chaque bouchée qu'il devrait être mieux.

C'est ce qui semble manquer ici. Ce n'est pas un problème d'exécution, comme on en voit les soirs trop achalandés ou quand un endroit vient à peine d'ouvrir. Seulement l'impression que les idées n'ont pas été assez développées et qu'on nous sert des impulsions inachevées. Frustrant.

Le chef-propriétaire Paul-André Piché, qui s'est taillé une jolie réputation avec ses grilled cheese (camion P.A. & Gargantua, comptoir Chez Gargantua), s'est associé aux proprios du Blind Pig, une brasserie d'HoMa qui sert une cuisine rapide, mais inventive. Je ne vois donc pas pourquoi cette Tannerie ne pourrait pas faire mieux.

Une meilleure communication serait un bon début. Au dessert encore, le sandwich chocolaté façon grilled cheese servi avec de la crème glacée à la vanille était agréable à manger, mais il n'avait rien du s'mores annoncé - un incontournable des feux de camp composé d'une guimauve et d'un morceau de chocolat entre deux biscuits Graham. Un autre nom aurait très bien pu faire l'affaire, mieux même, puisqu'il nous aurait évité la déception. 



PHOTO ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

L'oeuf écossais, ce demi-oeuf dur au coeur encore un peu tendre, enrobé de boudin plutôt que de chair à saucisse comme le classique Scotch egg, est une variation réussie.

La Tannerie. 4255, rue Ontario Est, Montréal, 438 387-3877. http://www.latanneriemtl.com/

Notre verdict

Prix: Entrées de 10 à 14 $, plats de 22 à 30 $, desserts 7-8 $.

Service: Sympathique.

Atmosphère: Jeune et cool. Décor ouvrier-chic signé Blazys Gérard et même quand la salle est à moitié vide, il y a de l'ambiance - donc le niveau sonore est un peu élevé.

Plus: Un apportez-votre-vin jeune et vivant dans Hochelaga-Maisonneuve.

Moins: Des idées pas encore abouties en cuisine.

On y retourne? Éventuellement.

PHOTO ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRECHETTE-LA PRESSE MONTREAL, QUEBEC---Sujet : Photo prise au restaurant La Tannerie, dans Homa.----Mercredi 11 Mai 2016 GOURMAND # 819 611