Stratégiquement logée près de l'intersection Saint-Laurent et Mont-Royal, à quelques foulées de la montagne et du parc Jeanne-Mance, cette boulangerie animée est un bon endroit pour marquer une pause dans une journée de fin de semaine bien remplie.

On a goûté au pain de Jeffrey Finkelstein avant de pouvoir l'acheter puisqu'à ses débuts, il ne le vendait qu'à des restos (Joe Beef, Leméac, Taverne Square Dominion, etc.). Il a fini par avoir pignon sur rue, mais le chef ne s'est jamais vraiment éclipsé derrière le boulanger. Le proprio d'Hof Kelsten a en effet travaillé dans plusieurs grands restaurants, dont El Bulli, juste avant de rentrer à Montréal. La cuisine qu'il pratique ici est à l'image du décor, signé Zebulon Perron: humble mais inspirée, distinctive mais tout à fait cohérente avec le contexte montréalais.

Le menu du brunch, comme celui des sandwichs, entremêle les références aux traditions culinaires juives ainsi qu'à celles d'Europe centrale et de l'Est. La cuisine, sans être casher, fait l'impasse sur le porc. «Les gens pensent qu'on ne peut pas vivre sans porc. En fait, c'est le bacon dont on ne peut se passer», rigole Finkelstein.

Sa porchetta de veau maison est mieux qu'un substitut: elle vole la vedette au pain doré qu'elle accompagne. Ce dernier, confectionné avec d'épaisses tranches de challah (pain aux oeufs) moelleux, est pourtant fort réjouissant, mais les délicieuses lanières de veau extrêmement croustillantes sont vraiment le clou de l'assiette.

Le schnitzel, souvent préparé avec une escalope de porc ou de veau en Allemagne et en Autriche, est ici confectionné avec un grand morceau de poitrine de poulet enrobé d'une fine panure et nappé d'une délicieuse sauce aux herbes.

Ces deux choix figurent presque toujours au menu, tout comme la shakshuka - un plat d'oeufs dans une sauce tomatée qu'on pourrait qualifier de méditerranéen puisqu'on le retrouve aussi bien dans des pays arabes qu'en Israël. Un quatrième plat chaud, à base de poisson, varie au gré des arrivages. Il y a parfois du doré, du maquereau fumé, des croquettes de saumon. La truite goûtée lors d'une de nos visites avait été légèrement fumée avant d'être cuite, mais sa chair délicate n'en gardait pratiquement pas de trace. Ce sont plutôt les légumes, robuste assemblage de pommes de terre, de kale, de haricots verts et d'oignon mariné, qui donnaient du relief à la composition.

Quelques détails pourraient être améliorés. La crème fraîche nappée au fond de l'assiette de truite aurait pu ajouter une note acidulée intéressante au poisson si elle n'avait pas été cachée sous le blanc de l'oeuf miroir. Le schnitzel aurait mérité une panure plus croustillante. Et le mélange de morceaux de chou à peine acide et de pommes de terre pas très dorées qui l'accompagnait était loin des «sauerkraut et hash brown» annoncés au menu. Ce brunch a toutefois bien d'autres qualités. Le pain de seigle aux graines de carvi servi avec plusieurs assiettes complémente parfaitement ce type de cuisine et les oeufs qui coiffent les plats sont impeccables, tout comme le café.

Cette boulangerie où l'on entre comme dans un moulin n'incite pas à paresser des heures durant. Mais pour rencontrer un ami ou s'arrêter avec les enfants sans hypothéquer sa journée ni son budget, c'est un point de chute pratique et riche en saveurs.

Boulangerie Hof Kelsten, 4524, boulevard Saint-Laurent, Montréal, 514 649-7991, hofkelsten.com

> Prix: assiettes à 12$, à-côtés (oeuf supplémentaire, saucisse, pancetta, etc.) de 1$ à 4$, viennoiseries autour de 2$ à 3,75$.

> À boire: les services essentiels (jus d'orange frais, bon latté) et quelques boissons maison (café infusé à froid, thé glacé, limonade), mais pas d'alcool.

> Service: au comptoir. Minimal, mais cordial.

> Ambiance: passante. À moins de mettre la main sur l'une des petites tables, on se perche sur un tabouret autour du bar communal ou derrière l'une des vitrines, près des clients venus acheter leur pain et leurs viennoiseries.

(+) Des brunchs originaux servis dans un cadre informel et sympathique.

(-) Les plats de service en métal qui tiennent lieu d'assiettes. C'est peut-être pratique en cuisine, mais la nourriture y refroidit en un clin d'oeil.

On y retourne? D'un pas vif.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE