Il serait de bon ton, à la veille du 14 février, de faire allusion aux prétendues vertus aphrodisiaques de ces fascinants coquillages. Ce serait toutefois un peu réducteur: un bel assortiment d'huîtres fraîches constitue une source de plaisir intense à n'importe quel moment de l'année. Il n'y a aucune raison de s'en priver.

Daniel Notkin, importateur-distributeur de bivalves et autres produits de la mer, s'est d'abord fait connaître du grand public avec l'Oysterfest, sympathique rendez-vous automnal en plein air dans le Vieux-Montréal. L'établissement qui porte son nom offre une expérience bien différente du festival puisqu'on y propose la cuisine d'un seul restaurant dans un écrin spectaculaire. Voilà un bar à huîtres dans tous les sens du terme. Non seulement y retrouve-t-on une variété intéressante de mollusques, mais la majorité des places sont situées derrière l'un des multiples bars. Un choix judicieux qui impose une attitude détendue et contrebalance l'effet un peu saisissant de ce splendide décor de verre et de béton.

Il y a des amateurs d'huîtres qui n'en achètent jamais parce qu'ils n'aiment pas les ouvrir. Ou parce que leur douce moitié n'en mange pas. Il y a aussi beaucoup de gens qui aimeraient essayer, mais n'osent pas se jeter à l'eau. Un endroit comme Notkins est la solution idéale. Des mollusques scintillants de fraîcheur, ouverts proprement, à déguster nature ou avec du citron, de la mignonnette au vinaigre de champagne, de la sauce piquante maison ou du raifort frais râpé: on fait difficilement mieux dans le genre. Et même quand on en mange régulièrement chez soi, il est intéressant de découvrir des variétés différentes, qu'on ne retrouve pas nécessairement dans le commerce. La maison promet d'en tenir au moins de six à huit en permanence. Une récente visite m'a ainsi permis d'en essayer quatre jamais goûtées auparavant, toutes du Massachusetts, toutes impeccables.

Le choix des mollusques, évidemment, varie au gré des arrivages. Ce soir-là, il n'y avait malheureusement pas de myes (steamers). Par contre, il y avait des couteaux qu'on avait eu la bonne idée de servir crus, plutôt que cuits à la plancha comme on les rencontre souvent.

L'endroit, vous l'aurez compris, se concentre sur les poissons et fruits de mer. Rien ne vous oblige toutefois à les manger crus. Le menu propose plusieurs plats chauds attrayants. La chaudrée de palourdes est riche, dense et extrêmement savoureuse. Le burger de homard est tout aussi remarquable. Les morceaux de crustacé, bien chauds sans être surcuits, sont servis dans un pain moelleux très beurré, avec d'excellentes frites et une salade de chou à mi-chemin entre les versions crémeuse et traditionnelle. Un sandwich à la fois dodu et aérien, dont le seul défaut est de se laisser manger un peu trop vite.

Les tacos de poisson parsemés d'oignons marinés et de coriandre sont aussi très jolis, tout comme les huîtres au four posées sur une chevelure d'algues sombres. Celles-ci mériteraient cependant une préparation moins sage que la classique sauce Mornay. D'autres versions viendront au cours des prochains mois, nous dit-on.

Dans la section des fritures, les crevettes «popcorn», un peu noircies dans leur carapace de quinoa et accompagnées d'une sauce trop claire, m'avaient déçue lors d'une première visite. Les huîtres frites goûtées récemment, par contre, étaient parfaites: brûlantes et croustillantes à souhait, dignes des meilleurs souvenirs de bord de mer.

Il y avait un choix de deux desserts, nous n'avons pas eu la main heureuse. Au lieu de la tarte rhubarbe et fraise annoncée, nous avons reçu une tarte aux fruits des champs à la pâte assez rustique. Pas mauvais, mais c'est le genre de dessert qu'on s'attendrait plutôt à retrouver dans un restaurant familial en activité depuis des décennies.

Les propriétaires du lieu cumulent de nombreuses expériences dans la restauration et Daniel Notkin, reconnaissable entre tous à son irrésistible sourire, assure une présence enthousiaste en salle autant qu'à la station des ouvreurs. Un endroit comme celui-là, par sa mise en scène et son positionnement uniques, suscite cependant de grandes attentes chez celui qui le visite pour la première fois. Les produits sont superbes et la sélection vaut le détour. Pourtant, il manque encore ce petit soupçon de magie grâce auquel le client se sent transporté du début à la fin, et vogue vers la sortie en cherchant déjà un prétexte pour revenir. On trouvera, c'est certain, tous les ingrédients y sont.

Notkins

1101, rue de Bleury, Montréal

514 866-1101

www.notkins.com

> Prix: variables pour les coquillages crus. La plupart des huîtres sont entre 2$ et 3,50$ l'unité, sauf quelques-unes, plus chères. Entrées de 8$ à 17$, plats de 21$ à 45$.

> Carte des vins: beaucoup d'options intéressantes dans le blanc, souvent en importation privée.

> Service: détendu mais présent, visiblement désireux de bien faire.

> Ambiance: raffinée sans être empesée dans un décor spectaculaire signé Bruno Braën.

(+) Une sélection de coquillages à découvrir.

(-) Des explications parfois confuses ou contradictoires.

On y retourne? Certainement.