Un bonhomme sourire vert pour un restaurant conforme aux normes sanitaires, un orange pour signaler un problème, voire un rouge qui pleure... les restaurants devront peut-être bientôt annoncer la couleur illustrant leur conformité aux normes sanitaires, ce qui ne réjouit que modérément la profession.

La Direction générale de l'alimentation (DGAL) qui contrôle la sécurité des assiettes françaises, envisage d'apposer ce sigle sur les établissements pour renseigner les clients en espérant ainsi inciter à la vertu.

«Cette pratique existe déjà dans certains pays», a justifié lundi le patron de la DGAL, Patrick Dehaumont, citant le Danemark, New York ou Shanghai. Il souhaite lancer une expérimentation dès «le courant 2015», en commençant par une région ou un département.

La mesure doit être formellement adoptée lors du vote définitif de la Loi d'avenir de l'agriculture, jeudi par le Parlement, qui inscrit «le principe de la mise en transparence des résultats des contrôles» effectués par la DGAL, dans tous les établissements (industrie et restauration commerciale), a expliqué M. Dehaumont. Ce qui doit garantir que «tout citoyen doit avoir accès au résultat des contrôles».

Cependant, lundi soir dans un communiqué, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll se montait plus prudent déclarant que «la manière dont les résultats de ces contrôles seront rendus publics n'est pas prévue par la loi et que les modalités de cette publicité seront arrêtées suite à une large concertation» entre le gouvernement et les professionnels.

La secrétaire d'État chargée de la Consommation, Carole Delga, s'est par ailleurs dite «très réservée» quant à la proposition de la DGAL, ajoutant qu'elle serait «très vigilante quant à la concertation menée avec les professionnels de la restauration».

La fréquence de révision des contrôles doit également être affinée: «On réfléchit: tous les ans? Tous les deux ans? On ne va pas laisser un établissement au vert pendant dix ans sans vérifier», relève M. Dehaumont.

Il remarque cependant qu'un restaurant classé «rouge» fera de toute façon l'objet de contrôles intenses voire d'une mesure immédiate ordonnant des travaux de mise aux normes ou la fermeture.

Selon le DGAL, «les professionnels sont tous demandeurs car c'est un bon moyen d'assainir la profession», assure-t-il en insistant sur le double objectif «d'information et de pégagogie».

Risque de «stigmatiser»

Cependant ceux joints lundi par l'AFP appréciaient diversement l'annonce qu'ils jugeaient parfois un peu précoce alors que la mesure, dans sa philosophie, n'a été qu'évoquée au ministère de l'Agriculture (dont dépend la DGAL).

Pour Jean-Pierre Chedal, président de la branche «restauration» du Synhorcat, le syndicat de l'hôtellerie et de la restauration, le risque est de «stigmatiser» certains établissements: «un contrôle n'est qu'une photo à un instant T», juge-t-il. «Qu'il y ait contrôle, je souscris bien sûr, mais il ne faut pas stigmatiser les gens, surtout dans la conjoncture actuelle. Pas la peine de rajouter de la confusion et de la suspicion», note-t-il.

La restauration rapide se montre plus favorable, notamment parce que faute de diplômes et de qualification exigés, n'importe qui peut ouvrir un restaurant, note Dominique Bénézet, délégué général du SNARR, le syndicat qui représente la profession.

«On en avait parlé il y a quelques années déjà, puis c'était tombé à l'eau. L'idée n'est pas mauvaise, sous réserve qu'elle soit correctement mise en oeuvre: qui va faire les contrôles et sur quels critères», souligne-t-il.

Car faute de pouvoir compter sur des effectifs supplémentaires, les 4.700 agents actuels de la DGAL pourraient s'appuyer sur des «organismes délégataires» rémunérés par les professionnels, «comme le contrôle technique obligatoire des véhicules», indique M. Dehaumont.

«Il faut que les critères retenus soient les mêmes pour tous et que chaque anomalie, majeure ou mineure, soit affectée d'un coefficient. Et qu'on nous explique comment ces contrôles officiels seront articulés avec nos autocontrôles», reprend M. Bénézet. Le recours à des prestataires rémunérés, craint-il, peut déboucher sur des abus et des notations sévères «pour le plaisir de revenir», sourit-il.

Et puis, comme M. Chedal, il fait remarquer que les obligations s'empilent déjà dans les restaurants entre le récent «Fait Maison» et la liste des allergènes contenus dans les plats servis à partir de décembre.

Enfin, complète Dominique Bénézet qui représente aussi les chaînes de restauration thématiques, «il faut que nous soyons tous égaux entre les grandes chaines sur lesquelles on tombe en priorité et la petite gargotte de quartier».