Enfant, on s'imagine que la rentrée est une affaire de cahiers neufs et de retour à un horaire contraignant. Arrivé au cégep et à l'université, on se rend compte que la première semaine de classe est surtout synonyme de cours écourtés et d'après-midi qui se terminent au pub. Si vous éprouvez un petit pincement à la vue de tous ces jeunes attablés devant une pinte dans la lumière de septembre, c'est qu'il est temps de vous trouver une façon de marquer la rentrée.

Les Soeurs Grises, qui est un peu la version pour grandes personnes de la microbrasserie du coin, est un endroit tout à fait approprié. Non seulement on n'est pas gêné de s'y pointer en tenue de bureau, mais on peut y manger de la vraie nourriture. Un détail appréciable quand on a passé l'âge de se faire accroire qu'une assiette de nachos est un souper.

Curieux de voir ce que la cuisine est capable de faire avec son fumoir maison, nous nous sommes composé un menu tout fumée. Le jerky de boeuf est idéal avec une bière foncée. Les lanières de viande séchée sont taillées dans du vrai muscle, et non confectionnées avec une préparation de chair broyée. À peine sucrées, elles recèlent une intense saveur de fumée, avec une finale en feu de feuilles qui sied bien à la sauvagerie originelle du produit. Les «ailes» de lapin (les petites pattes avant rattachées à l'épaule), par contre, ont gardé peu de traces de leur passage au fumoir. La viande est tendre et l'extérieur joliment coloré par l'assaisonnement, mais il manque quelque chose à ce tapas pour être aussi amusant que son nom le laisse espérer.

Moins original, le carpaccio de magret de canard servi sur un lit de laitues assaisonnées au balsamique est toutefois impeccable. La chair bien saignante et juste assez boucanée est nettement plus souple que celle des tranches de magret fumé vendues dans le commerce.

Les côtes levées sont enduites d'une marinade à sec, et non d'une sauce épaisse et sucrée comme on en voit partout. C'est moins photogénique, mais autrement plus agréable à manger avec les doigts. Le fumage est bien dosé, et la sauce classique servie en à-côté satisfera ceux qui ne peuvent s'en passer.

Le filet de truite, qui a des allures de rillettes moulées à l'emporte-pièce, est le genre de plat qui semble n'avoir jamais été goûté en cuisine. Comment expliquer sinon l'absence totale de sel et d'assaisonnement? C'est dommage, parce que cette belle portion de poisson rosé, fumé avec délicatesse et posé sur un lit d'épinard, s'accorderait à merveille avec la Camélia, une blanche au thé sencha brassée ici.

La salade de pommes de terre «boucanées-à-fond-la-caisse» et la choucroute à la bière gagneraient aussi à être peaufinées. La première porte bien son nom, mais les tubercules auraient besoin de plus de cuisson pour atteindre cette texture moelleuse qui fait le charme de la salade de patates. Quant à la seconde, elle a la fadeur et la rugosité des choucroutes achetées toutes faites lorsqu'on les sert sans les retravailler. Les lardons de sanglier fumé qui la garnissent méritent un meilleur environnement.

Le smoked meat maison, en revanche, est une belle réussite. Minces, fondantes, presque translucides, les tranches de poitrine de boeuf fumée offrent toute la saveur d'un bon smoked meat montréalais sans la lourdeur d'un gros sandwich.

Tout simplement délicieux.

Microbrasserie Les Soeurs Grises

32, rue McGill, Montréal

514-788-7635

Prix: Tapas entre 4$ et 10$, assiettes entre 10$ et 18$, accompagnements à 4$.

Décor: Microbrasserie chic. Les incontournables cuves en inox sont bien visibles au fond de la salle, mais l'espace est plus aéré et l'aménagement plus recherché que dans la plupart des établissements du genre.

Atmosphère: Détendue. Des couples qui viennent prendre l'apéro avant d'aller souper dans le Vieux-Montréal et beaucoup de jeunes professionnels des bureaux avoisinants.

Niveau sonore: Proportionnel à l'achalandage.

(+) Un menu nettement plus attrayant que ce qu'on retrouve dans la plupart des établissements voués à la bière. Une utilisation savoureuse du fumoir.

(-) Un service inégal, toujours gentil, mais très distrait par moments.

On y retourne? Oui.

Photo Bernard Brault, La Presse