Cet été encore, notre critique Marie-Claude Lortie parcourt les routes du Québec pour nous parler des restaurants de l'extérieur de la métropole. Cette semaine, elle s'est arrêtée à Sainte-Adèle.

Dans les années 70, et même 80, la grande grande table des Laurentides s'appelait la Sapinière, à Val-David. Le chef Marcel Kretz y préparait une cuisine classique française qui, aujourd'hui, fait presque l'objet d'un culte chez la génération de cuisiniers qui l'a suivi.

Puis, les années ont passé et, tranquillement, un autre nom s'est imposé. Celui d'Anne Desjardins et de l'Eau à la bouche, un restaurant, auberge et spa, situé à Sainte-Adèle. On y faisait une grande cuisine soignée intégrant les produits d'ici, dans un cadre champêtre qui correspondait parfaitement à son époque, fin des années 90, puis début 2000. Mais le temps a suivi son cours, les goûts des consommateurs ont évolué et cet établissement qui fut longtemps Relais&Châteaux n'a pas réussi à suivre le courant. Au printemps, on a appris sa fermeture.

La question qui se pose maintenant est celle de la relève. Existe-t-il une autre table aussi exigeante envers elle-même, aussi rigoureuse, mais créative aussi, capable de prendre le relais, d'offrir une cuisine de qualité à tous ceux qui habitent ou fréquentent les Pays-d'en-Haut?

J'aurais aimé vous dire que Recto Verso, un autre joli restaurant de Sainte-Adèle, coquet, fleuri, installé lui aussi dans une ancienne demeure tout en bois est cette nouvelle table phare. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

C'est un endroit agréable, décoré humblement avec de petites touches contemporaines et des oeuvres des artistes du coin. Il est bien tenu, où le chef Bruno Léger cherche à présenter une cuisine québécoise moderne et créative. Mais rien n'est renversant et, trop souvent, là où on espère être surpris, on est malheureusement déçu.

Dès que le pain arrive sur la table, on comprend que la cuisine s'aventurera en terrains délicats invitant aux maladresses. Il est fait maison, avec gruyère et cerise, et on le sert avec du beurre à la clémentine et aux échalotes. Le pari est risqué et, malheureusement, tombe à plat. Les saveurs s'entrechoquent sans élégance. Le gruyère finit par prendre le dessus, l'acidité de la cerise s'inclinant devant le fromage. Bref, ça ne marche pas.

Les idées, toutefois, sont souvent bonnes. Par exemple, on aime que le chef fasse des tagliatelles avec des courgettes pour préparer une entrée légère et fraîche. Toutefois, les lamelles de légumes sont un peu costaudes, un peu trop blanchies. On les aurait préférées plus fines, plus croquantes. La garniture est aux pousses de fougères et aux amandes, avec des oignons rouges si doux qu'on ne les remarque pas. Évidemment, on préfère ça aux gros oignons crus rustres qui, chez les mauvais cuisiniers, dominent tout et kidnappent les papilles pour des heures sinon des jours. Néanmoins, on cherche les accents dans ce plat. Le sel. Mais aussi un peu d'acidité, de piquant, de piment. Là, comme pendant tout le repas, on dirait que la cuisine a peur de choquer. Veut se faire trop discrète.

L'entrée n'est guère plus convaincante. Les escargots s'effacent sous la panure. On cherche les épices, on se demande où est passée l'âme de l'aïoli qui accompagne les gastropodes et goûte surtout l'estragon. Là encore, bravo au chef de ne pas noyer ses plats dans l'ail, ce qui se voit trop souvent. Mais on cherche les accents, les aspérités, c'est trop lisse. Surtout, que le menu annonce les escargots à la cajun, ce qui promet du piment, du piquant. Rien n'est plus loin de cela.

En plat principal, le saumon d'élevage est correctement cuit, déposé en lanières sur une assiette qui réunit mesclun, riz basmati, poivrons grillés, pois. L'idée de la combinaison est correcte. Et le plat sympathique. Mais les papilles restent sur leur appétit.

C'est finalement du côté du faux filet - dont on aurait aimé qu'on nous demande la cuisson parce qu'on aurait dit bleu, mais qui était quand même très correcte - qu'on trouve une sauce un peu structurée. Une réduction de mûres et de balsamique. L'assiette comporte aussi une tombée de bettes à carde, dont l'amertume a disparu, ainsi qu'une purée de pomme de terre à la poire, fine, sympathique.

Finalement, au dessert, on s'éclate avec une assiette composée qui combine une mousse au toffee, une tarte au sucre à la crème, des grains de sucre d'érable... C'est riche, sucré. Pas particulièrement délicat, mais néanmoins rempli de joie. C'est mieux qu'un brownie trop massif. Mais après un tel repas, on aurait préféré seulement la mousse au yogourt hyper légère qui l'accompagne. Aérienne. Simplement fine. Acidulée. Enfin.

Recto Verso

814, chemin Pierre-Péladeau, Sainte-Adèle

450 229-9555

rectoverso.ca

Prix: entrées entre 6$ et 14$ (23$ pour le foie gras). Plats entre 19$ et 35$. Desserts 7$ ou 8$. Menu découverte à 6 services à 60$ par personne.

Carte de vins: Recherche d'originalité, notamment dans les accords avec le menu dégustation, mais on reste en terrain sûr. Importations privées et classiques de la SAQ. On aurait aimé plus de choix au verre. Et des conseils un peu plus précis.

Service: Cordial, assez professionnel. Mais quelques faiblesses, notamment pour les conseils en vin.

Style: Maison de bois ancienne décorée simplement. Jolie terrasse extérieure. Niveau de décibels bas. Ambiance sonore de chanson francophone. Pensez Pierre Lapointe, Francis Cabrel, Coeur de pirate.

(+) Une cuisine préparée avec des produits de qualité, régionaux.

(-) Une cuisine qui cherche à être originale mais ne parvient pas à l'être brillamment.

On y retourne? Je ne crois pas.