Je l'avoue d'entrée de jeu: je reviens d'Asie du Sud-Est et j'en reviens plus passionnée que jamais pour la cuisine de ces régions du globe.

J'ai atterri un vendredi soir de Singapour et le samedi midi, j'étais à l'une des rares adresses singapouriennes de Montréal, chez les Satay Brothers, rue Saint-Jacques à Saint-Henri.

C'est tout dire.

La cuisine asiatique, qu'elle soit japonaise, thaïlandaise ou malaisienne, a quelque chose qui nous rend accros. Peut-être est-ce l'effet des piments. Ou de ces poivres de type séchouanais qui nous gèlent le palais et titillent les papilles sans pudeur.

J'étais à Dorval, dans les brumes du décalage et déjà je me demandais où je pourrais retrouver les parfums de feuilles de bétel et de citronnelle qui ont ponctué mon bref séjour oriental.

Vite, il me fallait des nouilles mee goreng.

Chez les Satay Brothers, on mange singapourien, c'est-à-dire qu'on mange une cuisine qui tire son inspiration autant de la Malaisie que de la Thaïlande, de l'Indonésie, de la Chine et de l'Inde... Singapour, ce mini-État du Sud-Est asiatique, est une mosaïque culturelle. On y mange parfois de fabuleux currys à l'indienne, parfois de somptueux bols de ramen ou de nouilles udon aux algues wakame à la nippone.

Pour le petit-déjeuner, pensez laksa, cette soupe indonésienne au coco, ou alors aux dim sum cantonais. Ou peut-être même aux sandwichs de pain de mie. Singapour fut britannique pendant bien des décennies.

Chez les Satay Brothers, qui s'appellent en fait Alex et Mat Winnicki et qui sont nés d'une mère singapourienne cuisinière et d'un père polonais, on mange une cuisine plutôt indonésienne et malaisienne. Vous les connaissez, ces frères, non? Ils ont un comptoir l'été au marché Atwater qui, un peu comme les restaurants KanBai et Kazu de la rue Sainte-Catherine Ouest, offre aux Montréalais cette cuisine asiatique jeune et allumée qui enflamme actuellement les rues de Paris, New York ou San Francisco, avec des adresses comme Mission Chinese, Pok Pok, Momofuku...

Chez les frères, on trouve toujours les satés du jour, par exemple, ces brochettes de poulet, de porc, de crevettes, toujours hyper tendres, hyper juteux, servies avec une sauce aux arachides parfumée, parfaitement bien relevée. Cumin, curcuma, gingembre, ail, coriandre s'y retrouvent en parfaite harmonie vrombissante en bouche. Exactement le genre d'expérience qui donne envie de recommencer.

Encore dans le registre piquant, on essaie la salade papaye verte bien relevée, où la fraîcheur du fruit rencontre le croquant gras de cacahuètes concassées. Ou alors on plonge dans un mee goreng, un plat de nouilles frites servies avec des carottes, des oeufs, du chou, des tomates, des crevettes et des piments (évidemment).

Pour un plat plus doux, on choisit le bun vapeur au porc et à la sauce hoisin, combinaison sucrée sur le thème du soja, du sésame, moelleux et fondant.

Autre option savoureuse et accessible, riche en saveurs: le sandwich au porc grillé servi avec concombres, feuilles de moutarde et une mayonnaise aux cinq épices - combinaison d'anis, de cannelle, de poivre de Séchouan, de girofle et de fenouil.

Pour le dessert, place aux créations à base de noix de coco, de riz collant, de sucre de palme, souvent déclinées avec essence de pandan, un extrait des feuilles du pandanus que l'on retrouve partout en Indonésie et qui verdit tout ce qu'il effleure. Amateurs de pâtisserie éthérée s'abstenir. Ces compositions sont costaudes et peu parfumées, mais sympathiques et rassurantes, et ne feront pas bondir de surprise les convives non préparées, contrairement aux desserts de durian, par exemple, aussi bien présents dans ces terres ensoleillées.

Pour accompagner le tout, on prend une bière Creemore toute simple - non, on n'a pas la bière Tiger comme partout à Singapour, malgré les bouteilles vides sur l'étagère décorative. Ou alors on choisit un jus tropical, à la mangue, par exemple.

Pourrait-on améliorer l'offre de ce côté avec des vins triés sur le volet? Peut-être? Mais cette nourriture est-elle faite pour être appréciée avec du vin? Personnellement, je crois que la bière s'en sort toujours mieux. Ou pourquoi pas de la ginger ale naturelle super piquante? Ou du lassi à l'indienne...

On vous laisse y penser.

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Satay Brothers

3911, rue Saint-Jacques O., Montréal 514-587-8106

sataybrothers.com

Prix: Les plats sont tous à moins de 10 $.

Carte de vins: Plutôt jus de mangue, bière...

Atmosphère: Très convivial. On y retrouve les résidants du Sud-Ouest, des nouveaux développements autour du marché Atwater ainsi que tous ceux qui travaillent dans les immeubles rénovés des environs.

Style: Restaurant asiatique pas cher, convivial, moderne, dans la foulée d'une tendance très actuelle, de Paris à New York et San Francisco, où les restaurants chinois, thaï, japonais ou coréens du moment n'ont plus rien du côté vieux jeu, parfois poussiéreux et trop occidentalisé des établissements des quartiers traditionnels.

Service: Minimal, cordial, souriant, rapide. Bonne franquette.

Plus: La qualité de la nourriture, toujours savoureuse, les prix très abordables.

Moins: La liste des boissons pourrait être un peu plus recherchée.

On y retourne? Oui.